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Depuis vingt ans, la négociation d’entreprise est promue comme le nouveau levier de construction du compromis salarial. Avec les transformations du capitalisme, des règles de la négociation et l’affaiblissement des syndicats, le dialogue social en entreprise n’a pourtant sans doute jamais été aussi déséquilibré. De fait, en combinant analyse statistique et enquêtes de terrain, cet ouvrage donne à voir la manière dont les salariés et leurs représentants ont été partout mis sous pression dans leur capacité à négocier les conditions de leur engagement dans le travail. Il met cependant aussi évidence comment varient en fonction des contextes d’entreprise et de la présence syndicale, les formes de la domination patronale, de la représentation du personnel et la nature des compromis qui y sont négociés. En analysant la crise du compromis salarial, cet ouvrage s’attache en particulier à penser ensemble les métamorphoses du syndicalisme, du capitalisme et de ses modes de régulation.
Ce livre sera disponible an août 2023
Au terme d’une trentaine d’années de réformes ininterrompues des règles du dialogue social, parachevées par les ordonnances Travail de 2017, la négociation collective d’entreprise s’est imposée comme le nouveau pilier du système des relations professionnelles. Elle est pensée comme le moyen de concilier de façon plus équilibrée et efficace les impératifs de compétitivité des entreprises avec la défense des intérêts des salariés. L’institutionnalisation accrue du dialogue social en entreprise comme son éloge politique apparaissent pourtant en fort décalage avec la fragilisation importante de la capacité effective des salariés et de leurs représentants à peser sur la répartition de la valeur et les règles du rapport salarial. Les syndicats ont en effet beaucoup perdu de leur ancrage militant dans un système productif profondément bouleversé, marqué par la précarisation de la condition salariale et le « despotisme du marché » qu’impose la financiarisation de l’économie. Le tissu productif français n’en reste pas moins composé de modèles socio-productifs distincts, tant du point de vue des types de marché des entreprises, du profil de leur main d’œuvre, des modalités de leur encadrement que de la présence syndicale. Combinant analyse statistique et enquêtes de terrain, cet ouvrage collectif montre comment s’articulent dans ces différents contextes socio-productifs les formes de la domination patronale, de conflictualité au travail et de pratiques du dialogue social. Ce faisant, il donne à voir selon quelles modalités différentes se reconfigurent, sous l’effet des transformations du capitalisme et des réformes néo-libérales, les usages des dispositifs du dialogue social en entreprise, les logiques de construction du compromis salarial et la capacité des salariés et de leurs représentants à le négocier.
Table des matières
sommaire 5
introduction. Le dialogue social en entreprise à l’épreuve des transformations du capitalisme 7
Du compromis fordiste au nouvel ordre néo-
libéral 10
Extension et inversion des règles de la négociation collective : un nouvel instrument d’ajustement aux logiques du marché ? 14
Entre dominations patronales et résistances salariales : comment se construisent les compromis salariaux ? 18
chapitre 1. La reconfiguration des contextes et des pratiques de la négociation collective en entreprise 25
L’érosion du pouvoir d’agir syndical dans les
négociations 29
Des négociations contraintes par les limites de l’implantation syndicale 30
Des modes de reconfiguration ambivalents de la représentation du personnel en entreprise 31
Un ancrage syndical toujours fragile 35
Des accords mais encore ? Des compromis sous contrainte et de faible intensité 39
Les dynamiques et les effets contrastés du renouvellement des enjeux de négociation 40
Des négociations plus à distance de salariés moins
mobilisés 45
Des formes de dialogue social façonnées par la reconfiguration des modèles socio-productifs 52
Diriger sans syndicat ni compromis négocié ? 54
Les « petites entreprises paternalistes » : un dialogue social inexistant 55
Les « PME innovantes et dynamiques » : des négociations rares articulées à un rapport salarial plus équilibré ? 57
Des négociations plus formalisées mais des syndicats contraints dans leur rôle 61
Les établissements « néo-tayloriens des services » : des négociations sous tutelle institutionnelle 63
Les « entreprises néo-fordiste en tension » : la pression actionnariale a-t-elle eu raison du compromis salarial ? 67
Conclusion. Vers une approche configurationnelle des conditions de production du compromis salarial 72
chapitre 2. Hégémonies patronales, arrangements et résistances dans les « PME familiales » 79
Des modes de domination « néo-paternaliste » en tension 84
Un rapport salarial personnalisé, entre système de faveurs et domination rapprochée 84
Des instruments de fidélisation : avantages salariaux et mobilité interne 85
Récompenser et sanctionner pour discipliner une main-d’œuvre volatile 90
Un régime de production soumis à la contrainte croissante du marché 98
Un compromis salarial mis sous pression par les exigences du donneur d’ordre 98
Stratégie de croissance, normalisation réglementaire et bureaucratisation de la domination patronale 101
Le consentement limité des salariés à un travail contraint 104
Une légitimité patronale fragilisée par l’érosion des contreparties offertes 104
Des résistances diffuses au despotisme patronal 106
Les entreprises « dynamiques et innovantes » : travailler en harmonie ? 109
Une domination patronale moins coercitive, un compromis salarial plus favorable 110
Primes à la performance et travail en autonomie contrôlée sur fond d’affinités sociales 111
La qualification professionnelle comme ressource ouvrière pour négocier l’organisation du travail 116
Défections et résistances face au durcissement du pouvoir patronal 121
Monnayer son départ quand la situation se dégrade 121
La rationalisation du travail, enjeu de tensions et de compromis 124
Conclusion. Reconfigurations et variété des capitalismes familiaux : des conflits et des compromis de classe à l’ombre de la finance 129
chapitre 3. Quel dialogue social sans les syndicats ? Les usages des dispositifs de la représentation du personnel dans les PME familiales 133
Des institutions du dialogue social sous contrôle
patronal 136
Un investissement patronal limité dans la gestion des relations sociales 137
« C’est Monsieur Crépin qui décide, on n’ose pas le contredire » : des instances de représentation du personnel soumises à un style de management autocratique 138
Un mode de gestion formel et peu professionnalisé des instances de représentation du personnel 140
Les conditions de production de représentants loyaux à l’écart des syndicats 145
La promotion de salariés de confiance par la direction 146
Des vocations d’élus aux ressorts sociaux et militants pluriels 153
Des représentants disposés et contraints à se conformer à des pratiques collaboratives 160
Des dispositifs de représentation détournés et contournés dans leur rôle 164
Des élus en relais de la domination patronale dans les petites entreprises paternalistes 165
Un instrument managérial de mobilisation et de contrôle des salariés 165
Des négociations rares, unilatérales et de concession 170
L’autonomisation très limitée des représentants du personnel dans les PME innovantes et dynamiques 174
Des tentatives de réinvestissement plus offensif de leur rôle par les élus 174
Des élus isolés confrontés à la résistance patronale 180
Conclusion. De l’évitement des représentants du personnel à leur domestication 187
chapitre 4. Un compromis salarial empêché par l’État néo-libéral. Les relations professionnelles sur le marché réglementé du secteur sanitaire et social 191
Des organisations sous pression budgétaire et institutionnelle 195
Rationaliser les coûts et l’organisation du travail 196
Une politique managériale « sous contrainte publique » 196
Une mise sous pression du travail 199
Des dispositifs « participatifs » pour faire adhérer les salariés aux changements organisationnels 203
Des réorganisations sources d’une conflictualité
souterraine 207
Des établissements en déficit d’attractivité 207
Une intensification des tensions avec l’encadrement intermédiaire 210
Des conflits de normes professionnelles 213
Dialoguer plus pour négocier moins : des syndicats désarmés ? 217
Des politiques managériales inégalement négociées en fonction de l’ancrage syndical 218
La force de la ressource syndicale pour des salariées des classes populaires précarisées 218
Une représentation syndicale fortement professionnalisée dans le secteur médical 223
Des négociations subordonnées à la logique de rationalisation des coûts 227
Des délégués syndicaux enrôlés dans les processus de réorganisation 227
Des compromis salariaux entravés par les contraintes budgétaires 230
Des politiques d’organisation du travail peu négociées 235
Des représentants syndicaux fragilisés par la mise en place du CSE 240
Des militantes rendues plus vulnérables face à l’employeur 241
Vers des professionnels du dialogue social sans pouvoir ? 243
Conclusion. Un dialogue social administré et verrouillé par l’État néo-libéral 246
chapitre 5. Le compromis salarial à l’épreuve du capitalisme financier 251
Les conditions d’un compromis salarial renouvelé 256
Les recompositions des contextes sociaux et organisationnels d’un syndicalisme solidement ancré 257
La « success story » d’une industrie électronique de pointe indépendante 258
Une plateforme d’ampleur stratégique dans un groupe mondial 262
Une CGT dominante dans un paysage syndical socialement divisé 265
Au fondement de la capacité d’action syndicale 269
Une capacité de mobilisation articulée à un travail d’expertise 269
Des négociations salariales activement préparées 272
Des conflits révélateurs de l’adaptation des syndicats aux logiques de valorisation financière ? 276
Les ressorts d’un scandale financier 277
Une période d’instabilité à l’origine d’un changement de direction 277
Un dispositif financier pour fidéliser les hauts dirigeants 279
Une alliance de classe à la base d’un conflit inédit 282
La délimitation du groupe des bénéficiaires comme enjeu de la mobilisation 283
Le choix raisonné du répertoire d’action collective 285
Un compromis temporaire concédé par le Conseil d’Administration 287
Les politiques d’intéressement comme enjeu de tension syndicale 290
Des syndicats contraints à négocier l’individualisation des politiques salariales 293
Un dialogue social pris dans des logiques managériales 294
Un affaiblissement des solidarités collectives 297
Une contestation syndicale impossible ? L’ambiguïté face aux dispositifs d’évaluation et d’individualisation des rémunérations 298
Composer avec le morcellement des négociations : division des revendications et dé-politisation des enjeux 300
Conclusion. Les métamorphoses du compromis salarial comme enjeu de lutte dans les entreprises financiarisées 305
conclusion générale. De l’intérêt de repenser ensemble les recompositions des relations professionnelles et des contextes socio-économiques du rapport salarial 309
Quels compromis salariaux possibles dans un capitalisme en mutation ? 311
Pour une sociologie des structures sociales et économiques des relations professionnelles 316
À quoi peuvent encore servir les syndicats ? 322
Si l’on en croit les gros titres de la presse, la SNCF serait une vieille dame incapable de s’adapter aux défis du XXIe siècle. Ses difficultés financières ne sont-elles pas la preuve des limites du modèle du service public ? Le déclin du fret et la croissance du trafic routier ne témoignent-ils pas de l’impuissance du corps social cheminot et des dirigeants du groupe public à faire face à la crise du secteur ?
À l’encontre de ces représentations du sens commun, ce livre propose une analyse pluridisciplinaire des transformations du système ferroviaire français et de son principal acteur, la SNCF, qui resitue leurs évolutions récentes dans une perspective historique. Loin des images d’Épinal qui font de la SNCF un héraut du service public, confronté à partir des années 2000 au libéralisme de la politique ferroviaire impulsée par la Commission européenne, cet ouvrage montre que les transformations à l’œuvre sont le fruit de mutations vieilles de plusieurs décennies.
Table des matières
Liste des auteurs
Préface. Un service public ferroviaire européen face aux urgences climatique et nationaliste ?,
Claude Didry
Introduction,
Hervé Champin, Jean Finez et Alexandre Largier
Chapitre 1. La politique ferroviaire européenne : construire l’Europe du rail par la concurrence ?,
Hervé Champin et Patricia Perennes
Chapitre 2. Quel service public ferroviaire en France au XXIe siècle ? À propos de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire,
Laurent Quessette
Chapitre 3. La « nouvelle SNCF », dernier avatar de la restructuration de la Société nationale des chemins de fer français,
Rémi Brouté
Chapitre 4. Une histoire du rail bouclée ? Concurrence, dette et statut cheminot au prisme du « nouveau pacte ferroviaire »,
Jean Finez et Laurent Quessette
Chapitre 5. La SNCF, instrument de la politique industrielle. Du « colbertisme high tech » à la fin de la « mère poule »,
Georges Ribeill
Chapitre 6. « Montrer du bleu » : les mutations marchandes de la Surveillance Générale,
Florent Castagnino
Chapitre 7. « Moderniser » Fret SNCF, au prix d’une perte des savoirs de métier et d’un risque pour la sécurité,
Isabelle Besse et Julien Kubiak
Chapitre 8. Transformation des organisations, sécurités et identités de métier au sein de la maintenance ferroviaire : le cas des caténairistes,
Alexandre Largier et Charles Stoessel
Chapitre 9. Sous-traitance du nettoyage : ce que la fidélisation des sous-traitants fait au travail et aux travailleurs,
Marion Duval
Conclusion. Les reconfigurations politico-juridiques des chemins de fer,
Marnix Dressen-Vagne
Si l’on en croit les gros titres de la presse libérale, la SNCF serait une vieille dame incapable de s’adapter aux défis du XXIe siècle. Ses difficultés financières ne sont-elles pas la preuve des limites du modèle du service public ? Le déclin du fret et la croissance du trafic routier ne témoignent-ils pas de l’impuissance du corps social cheminot et des dirigeants du groupe public à faire face à la crise du secteur ?
À l’encontre de ces représentations du sens commun, ce livre propose une analyse pluridisciplinaire des transformations du système ferroviaire français et de son principal acteur, la SNCF, qui resitue leurs évolutions récentes dans une perspective historique. Loin des images d’Épinal qui font de la SNCF un héraut du service public, confronté à partir des années 2000 au libéralisme de la politique ferroviaire impulsée par la Commission européenne, cet ouvrage montre que les transformations à l’œuvre sont le fruit de mutations vieilles de plusieurs décennies.
L’ouvrage éclaire ces changements à travers trois tableaux, correspondants à autant de parties. La première partie est consacrée aux politiques publiques et aux évolutions du droit national et communautaire à l’origine de l’ouverture à la concurrence et de l’effritement du modèle traditionnel du service public. La deuxième se concentre sur les stratégies de la SNCF et les glissements marchands de sa politique commerciale. La troisième interroge enfin les conséquences de cette nouvelle politique sur le travail et l’emploi. Si la filialisation, la sous-traitance et la recherche de flexibilité ont des effets sur le travail et ses conditions de réalisation, ces transformations ne signent pas fatalement l’arrêt de mort du service public ferroviaire, qui peut encore se réinventer.
L’agrandissement et l’intensification incessants des exploitations agricoles sont très connus mais leur explication demeure parcellaire. Partant du rapport étroit entre agriculture et capitalisme dans la France contemporaine, nourri par de nombreuses années de recherches et des données inédites, cet ouvrage saisit les mécanismes qui commandent les transformations que connaît le monde agricole français
Faire une telle démonstration, développer une telle perspective, c’est aussi poser les jalons d’une économie politique générale du capitalisme mêlant économie politique hétérodoxe, science politique et sociologie.
Une telle perspective, parce qu’elle met en évidence la contingence de l’activité économique, montre qu’un autre avenir – ou qu’un avenir – est possible pour l’agriculture française, à condition de la libérer du régime d’accumulation qui la détruit et des forces sociales qui le portent.
L’agrandissement et l’intensification incessants des exploitations agricoles sont très connus mais leur explication demeure parcellaire. Partant du rapport étroit entre agriculture et capitalisme dans la France contemporaine, nourri par de nombreuses années de recherches et des données inédites, cet ouvrage saisit les mécanismes qui commandent les transformations que connaît le monde agricole français – l’accumulation du capital économique par une minorité et l’expropriation de la majorité – en analysant les configurations de pouvoirs qui gouvernent ce procès social. Une telle perspective révèle que le régime d’accumulation – profondément inégalitaire – qui accable les agriculteurs français est porté par différentes forces sociales situées au sein du syndicalisme agricole dominant et des entreprises alimentaires, mais aussi de la haute Fonction publique, des cabinets ministériels et des partis politiques.
Faire une telle démonstration, développer une telle perspective, c’est aussi poser les jalons d’une économie politique générale du capitalisme mêlant économie politique hétérodoxe, science politique et sociologie.
Une telle perspective, parce qu’elle met en évidence la contingence de l’activité économique, montre qu’un autre avenir – ou qu’un avenir – est possible pour l’agriculture française, à condition de la libérer du régime d’accumulation qui la détruit et des forces sociales qui le portent.
Matthieu Ansaloni est post-doctorant à l’Institut national pour la recherche agronomique, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de Toulouse, et chercheur au Laboratoire des Sciences Sociales du Politique de Sciences-po Toulouse.
Andy Smith est directeur de recherche à la Fondation Nationale des Sciences Politiques et travaille au Centre Émile-Durkheim à Bordeaux. Il est spécialiste de l’économie politique en général et de celle des industries en particulier.
Pourquoi la pandémie en Amérique latine ? De la fin des années 1980 à aujourd’hui, le taux de croissance du PIB par tête en moyenne est plus que modeste et les inégalités de revenus gigantesques. Le virus SARS-CoV-2 agit sur un « corps déjà malade », d’où un cortège de morts impressionnant.
Pourquoi écrire sur ce sujet maintenant alors que la pandémie n’est pas terminée ? Ce livre participe du cri d’alarme. Déjà le virus mute en un virus politique.
Sauf si un renouvellement en profondeur des propositions progressistes est élaboré, tenant compte de l’Histoire telle qu’elle s’est déroulée ces trente dernières années.
Pierre Salama est latino-américaniste, professeur émérite à l’Université Sorbonne Paris Nord.
Recension I dans Entre les lignes
Recension dans l'Université syndicaliste
Pourquoi la pandémie en Amérique latine ? De la fin des années 1980 à aujourd’hui, le taux de croissance du PIB par tête en moyenne est plus que modeste et les inégalités de revenus gigantesques. Le virus SARS-CoV-2 agit sur un « corps déjà malade », d’où un cortège de morts impressionnant. La pandémie atteint l’ensemble de la population. Dans les clusters, une différenciation sociale opère. Tous sont certes impactés mais les catégories sociales les plus pauvres, les plus modestes, sont les plus atteintes.
Pourquoi écrire sur ce sujet maintenant alors que la pandémie n’est pas terminée ? Il est toujours plus facile de la raconter une fois qu’on la connaît. En ce qui me concerne, je suis de ceux qui ne pensent pas que l’Histoire suit un chemin inéluctable, des bifurcations d’ordre économique et/ou politique sont toujours possibles. Ce livre participe du cri d’alarme pour faire « bouger les lignes ».
Déjà le virus mute en un virus politique. L’Histoire n’est pas écrite mais des tendances sont à l’œuvre de manière souterraine, des linéaments, des prémices de bouleversements politiques se font jour. L’apparition d’un populisme d’extrême droite, voire d’un « illibéralisme », menace. Les évangéliques en nombre fortement croissant peuvent en constituer une « armée de l’ombre », propice à leur avènement. Sauf si…
Sauf si un renouvellement en profondeur des propositions progressistes est élaboré, tenant compte de l’Histoire telle qu’elle s’est déroulée ces trente dernières années.
Pierre Salama est latino-américaniste, professeur émérite à l’Université Sorbonne Paris Nord.
Les dirigeants de l’économie capitaliste s’efforcent depuis quarante ans de saper les bases d’un système social de sécurité face aux aléas de l’existence.
Rencensions
Dans Liens socio
Dans Nonfiction
Les luttes sociales ont permis de construire un ensemble de mesures dont une propriété collective pour faire face aux risques maladie et vieillesse, un droit au travail, mais aussi un droit du travail protecteur des salarié·e·s, des revenus assurés pour les plus démunis, une protection contre le licenciement et le chômage, une politique du logement, etc. Certes, le système était insuffisant, inégalitaire, mais il n’en a pas moins permis une amélioration des conditions d’existence. Tout ceci est mis à mal. Les salarié·e·s par leurs luttes ont enrayé le processus de destruction ; ils ont obligé les gouvernements à revenir sur des mesures prévues, ou, au moins, à composer. Pour en finir avec ces résistances et imposer enfin l’utopie néolibérale d’individus cherchant à maximiser leurs intérêts, celle d’une société, en somme, sans collectifs et sans solidarités, il reste aux dominants à modeler les consciences en transformant les systèmes éducatifs et si cela ne suffit pas à susciter la peur. C’est cela que ce livre décrit.
Christian de Montlibert, sociologue, a travaillé sur les effets de la désindustrialisation de la Lorraine sidérurgique et du textile vosgien. Enseignant à l’université de Strasbourg, il a analysé les mouvements sociaux et les mobilisations collectives. Il a fondé et dirigé la revue Regards sociologiques. Il est aujourd’hui professeur émérite de l’université de Strasbourg.
Lire ici la recension dans Le Monde Diplomatique d'avril 2020
Table des matières
Avant-propos
Introduction : Science et société à l’épreuve du néolibéralisme
Première Partie. La Désindustrialisation
Chapitre I : La fermeture d’entreprises textiles dans les Vosges
Résistances dans une population désorientée
Conclusion
Chapitre II : Le grand coup. La fin de la sidérurgie
Manifestations et violences à Longwy – 1979
Chapitre III : Faire Groupe. Appartenance, croyances et conscience partagée de l’exploitation ?
Des mots et des images ; les pratiques sociales de mobilisation collective
Le travail d’appareil
Protéger les réseaux de mobilisation
Deuxième partie. La financiarisation
Chapitre I : Le chômage de masse :
un processus de décivilisation
Les difficultés d’une mobilisation unitaire
Chapitre II : La fragmentation d’un monde salarié
sur la défensive
Une division du travail transformée
Conclusion
Chapitre III : La lutte entre les territoires et l’éloge de l’identité
La célébration de la région par la presse lorraine
L’affaire du synchrotron en Alsace
Troisième partie. La politique de managérialisation
La constitution européenne : un traité de droit des affaires
Chapitre i : Un dernier sursaut le mouvement social de décembre 1995
Le capital économique retrouve sa place
Chapitre II : Managérialisation, marchandisation et professionnalisation
La production du savoir mise en question
Chapitre III : Résistances universitaires, « La parole fait le mur »
La poursuite inexorable de la managérialisation
Conclusion : La violence d’État
Issu pour une large part d’une recherche collective portant sur la construction et les usages des indicateurs sociaux, ce livre se fixe un triple objectif.
Il entend d’abord rendre compte des logiques contemporaines de production des chiffres donnant à voir une certaine représentation de la question sociale. Il explore ensuite les dimensions que ces chiffres occultent. Enfin, il se veut force de proposition pour rendre ces dimensions visibles et que les plus démunis, matériellement et symboliquement, puissent avoir voix au chapitre de la quantification. Il interroge ainsi les conditions de l’émergence d’une critique de l’ordre des choses.
À l’arrière-plan des débats portant sur la « bonne » ou la « juste » mesure de la pauvreté, des inégalités sociales, des problèmes publics et des publics « à problème » se pose la question fondamentale de la définition de ces notions. Celle-ci est inséparable des luttes qui opposent différents groupes sociaux pour imposer leur point de vue comme vision partagée et largement admise. Les chiffres qui circulent autour de la question sociale traduisent ainsi des rapports de force entre groupes professionnels, responsables politiques, militants associatifs, groupes de pression, etc. Paradoxe apparent, les populations concernées se retrouvent souvent exclues des opérations menant à leur représentation parce que ne possédant pas les ressources nécessaires pour faire valoir ce qui leur pose problème et ce qui importe pour elles. Dépossédées du diagnostic, elles le sont tout autant de la définition du traitement de leurs « maux ».
Rémy Caveng est sociologue à l’université de Picardie Jules Verne, chercheur au Curapp-ESS (Centre universitaire de recherche sur l’action publique et le politique), à la SFR Condorcet et chercheur associé au Cessp-CSE (université Panthéon-Sorbonne).
Claude Thiaudière est sociologue à l’université de Picardie Jules Verne, chercheur au Curapp-ESS.
Le syndicalisme ouvrier en France appartient-il au passé ? Incapable d’enrayer le déclin que connaît l’industrie depuis quarante ans, il est également confronté à une crise sur le sens de son action militante.
Recension dans Travail et Emploi, la revue de la DARES, n° 161-2020
Pourtant, loin des échecs des grandes mobilisations nationales, des syndicalistes mènent des luttes sur leurs lieux de travail, dont on ne mesure pas toujours ni l’inventivité ni les effets. Hélio-Corbeil, imprimerie située à Corbeil-Essonnes, en est une illustration : en février 2012, emmenés par la CGT, les salariés parviennent à reprendre leur entreprise sous forme de Société Coopérative et Participative (Scop). 80 emplois sont sauvés et l’activité est alors relancée. À partir d’une enquête au long cours, mêlant immersion et travail d’archives, cet ouvrage revient sur l’origine de cette lutte et la mise en place de la coopérative. Il propose une vision différente du syndicalisme, où la gestion constitue une arme de résistance salariale, hier comme aujourd’hui, et s’interroge sur ses conditions d’appropriation. Face à la financiarisation de l’économie, le salut du monde ouvrier passera-t-il par la conquête du pouvoir dans l’entreprise ?
Maxime Quijoux est sociologue, chercheur au CNRS et membre du Laboratoire Printemps (Professions, Institutions, Temporalités) à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et membre associé du LISE (Laboratoire Interdisciplinaire de Sociologie Économique) au CNAM. Il est l’auteur de Néolibéralisme et autogestion, l’expérience argentine (Éditions de l’IHEAL, 2011) et a dirigé l’ouvrage collectif Bourdieu et le travail (Presses Universitaires de Rennes, 2015).
Cet ouvrage analyse la construction européenne dans le cadre de la généralisation de la production marchande à grande échelle et de la forme organisationnelle qu’elle a prise, à savoir les grandes entreprises.
Cela veut dire que les principaux acteurs politiques de cette construction sont les grandes firmes et les élites managériales qui en détiennent le contrôle. Au moyen d’une approche interdisciplinaire et en se concentrant sur la période allant de l’Acte Unique à la crise de la zone euro, l’ouvrage examine la façon dont les stratégies et préférences, souvent hétérogènes, des grandes firmes françaises ont façonné le processus d’intégration dans ses diverses manifestations : constitution d’une corporate elite européenne, centralisation des politiques microéconomiques et macroéconomiques et construction d’un système financier paneuropéen.
Peut-on avoir confiance dans la qualité des repas servis dans les cantines scolaires, les restaurants d’entreprise ou les maisons de retraite ? Que deviennent les savoir-faire des cuisiniers dans un contexte d’industrialisation croissante ?
Les dirigeants des très grandes entreprises dominant le secteur de la restauration collective ont découvert de nouvelles recettes pour tirer profit d'un service considéré en partie encore comme social.
Ces transformations sont vécues différemment par les salariés (employés de service, cuisiniers, dans leur majorité) qui y voient une menace pour la reconnaissance de leurs compétences et de leurs qualifications et les cadres, qui se heurtent aux limites de leur pouvoir d'action.
Au-delà de la restauration collective, s'esquisse une « économie des usages », signe d'un changement de régime pour le capitalisme ?
Christèle Dondeyne est maître de conférence en sociologie à l'université de Bretagne occidentale (UBO, Brest)