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Les Gilets jaunes ne furent pas ce que la « classe ouvrière » n’a jamais été ailleurs que dans l’imagination des intellectuels. Pourtant, ouvriers et employés représentent encore plus de la moitié de la population active. Mais il est vrai que l’effritement de la condition salariale depuis quarante ans, le chômage de masse, la précarisation et la délinquance endémique qui peut en résulter ont creusé le clivage entre établis et marginaux.
Par ailleurs, après Mai-Juin 1968, l’essor de la petite bourgeoisie nouvelle, la promotion de nouvelles causes dites sociétales accompagnent le déclin de la croyance au messianisme ouvrier qui s’est inversé en un racisme de classe, résumé dans la figure du beauf.
Mobilisés en dehors des organisations syndicales et politiques, semblant de ce fait incontrôlables, les Gilets jaunes ont ressuscité la peur des classes dangereuses dans les beaux quartiers. Le mouvement a été d’emblée réprimé avec une violence physique et symbolique spectaculaire.
Rassemblant des textes dont certains ont été écrits au fil du mouvement, l’auteur en propose une lecture sociologique renouvelée.
Table des matières
Introduction
Prologue. Neutralité axiologique et engagement sociologique
Première partie. Les classes populaires : « établis » et « marginaux »
Introduction. Les classes populaires : « établis » et « marginaux »
Les transformations des classes populaires en France
Les classes populaires ont elles perdu la partie ?
La menace du chômage
« Jeunes de cités ». Délinquance, émeutes et « radicalisation islamiste »
Deuxième partie. « Mépris de classe » et « respectabilité »
Introduction. « Mépris de classe » et « respectabilité »
Sociogenèse et usages de la figure du « beauf »
Domination et résistance
En quête de « respectabilité »
« Foule sentimentale ». Sur l’hommage populaire à Johnny Hallyday
Briser les barreaux de « la cage d’acier »
Troisième partie. Le mouvement des Gilets jaunes
Introduction. Le mouvement des « Gilets jaunes »
Les Gilets Jaunes. Sociogenèse d’une mobilisation
L’État face aux Gilets jaunes. Violence physique et violence symbolique
Des Gilets jaunes aux syndicalistes en grève. La question de la représentation
Gilets jaunes : « horizontalité », « manifs-émeutes » et « insurrection »
Quatrième partie. « Le monde d’après »
Introduction. « Le monde d’après »
L’ordre des « grandeurs »
Sauver « le monde d’avant »
« Les eaux glaciales du calcul égoïste »
Les Gilets jaunes ne furent pas ce que la « classe ouvrière » n’a jamais été ailleurs que dans l’imagination des intellectuels. Pourtant, ouvriers et employés représentent encore plus de la moitié de la population active. Mais il est vrai que l’effritement de la condition salariale depuis quarante ans, le chômage de masse, la précarisation et la délinquance endémique qui peut en résulter ont creusé le clivage entre établis et marginaux.
Par ailleurs, après Mai-Juin 1968, l’essor de la petite bourgeoisie nouvelle, la promotion de nouvelles causes dites sociétales accompagnent le déclin de la croyance au messianisme ouvrier qui s’est inversé en un racisme de classe, résumé dans la figure du beauf.
Mobilisés en dehors des organisations syndicales et politiques, semblant de ce fait incontrôlables, les Gilets jaunes ont ressuscité la peur des classes dangereuses dans les beaux quartiers. Le mouvement a été d’emblée réprimé avec une violence physique et symbolique spectaculaire. L’éventuelle convergence entre Gilets jaunes et mouvement de grève contre la réforme des retraites remettait à l’ordre du jour la question de la représentation des classes populaires. Les black blocs et la mouvance anarchiste l’élargissaient aux thématiques de l’horizontalité, de la violence émeutière et de l’insurrection.
Rassemblant des textes dont certains ont été écrits au fil du mouvement, l’auteur en propose une lecture sociologique renouvelée.
Gérard Mauger, sociologue, est directeur de recherche émérite au CNRS, chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CNRS - EHESS - Paris 1).
Ces repères pour résister à l’idéologie dominante transgressent les interdits récemment réactivés par divers rappels à l’ordre politiques et académiques.
Ils s’ingénient, en effet, à découvrir des « excuses sociologiques » aux « inexcusables » : qu’il s’agisse de s’interroger sur la sociogenèse des trajectoires djihadistes ou de tenter de rendre compte du vote FN d’une fraction des classes populaires. Ils s’efforcent de mettre en évidence divers procédés de légitimation d’inégalités « obscènes » : comme la célébration des « talents ». Ils mettent en évidence la division du travail discursif sur l’Union Européenne entre philosophes « à façon » et économistes « à gages ». Ils s’emploient à clarifier l’usage de catégories routinières (comme l’opposition « droite/gauche » ou la notion galvaudée de « populisme »), à dissiper le brouillage d’un champ politique devenu illisible et à rappeler les leçons de l’expérience grecque à ceux qui rêvent d’une « autre Europe ». Bien qu’ils s’imposent un double devoir de « réflexivité » et de « scientificité », ces repères qui mettent les ressources de la sociologie au service de ce genre de transgressions, s’exposent sans doute ainsi à réveiller toutes les formes d’anti-intellectualisme que suscite « l’engagement sociologique ». Pourtant, comme disait Durkheim, « la sociologie ne vaudrait pas une heure de peine si elle ne devait avoir qu’un intérêt spéculatif ».
Gérard Mauger, sociologue, est directeur de recherche émérite au CNRS, chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CNRS - EHESS - Paris 1)
Ces repères pour résister à l’idéologie dominante transgressent les interdits récemment réactivés par divers rappels à l’ordre politiques et académiques.
Ils s’ingénient, en effet, à découvrir des « excuses sociologiques » aux « inexcusables » : qu’il s’agisse de s’interroger sur la sociogenèse des trajectoires djihadistes ou de tenter de rendre compte du vote FN d’une fraction des classes populaires. Ils s’efforcent de mettre en évidence divers procédés de légitimation d’inégalités « obscènes » : comme la célébration des « talents ». Ils mettent en évidence la division du travail discursif sur l’Union Européenne entre philosophes « à façon » et économistes « à gages ». Ils s’emploient à clarifier l’usage de catégories routinières (comme l’opposition « droite/gauche » ou la notion galvaudée de « populisme »), à dissiper le brouillage d’un champ politique devenu illisible et à rappeler les leçons de l’expérience grecque à ceux qui rêvent d’une « autre Europe ». Bien qu’ils s’imposent un double devoir de « réflexivité » et de « scientificité », ces repères qui mettent les ressources de la sociologie au service de ce genre de transgressions, s’exposent sans doute ainsi à réveiller toutes les formes d’anti-intellectualisme que suscite « l’engagement sociologique ». Pourtant, comme disait Durkheim, « la sociologie ne vaudrait pas une heure de peine si elle ne devait avoir qu’un intérêt spéculatif ».
Gérard Mauger, sociologue, est directeur de recherche émérite au CNRS, chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CNRS - EHESS - Paris 1)