.
Depuis quelques décennies, on n’échappe plus à la litanie des centaines de milliers d’emplois non pourvus, régulièrement serinés dans des journaux, à la télévision, à la radio ou sur des réseaux sociaux. Ce problème prendrait même la forme d’un paradoxe, puisque les difficultés de recrutement atteindraient des sommets… En même temps que le nombre de chômeurs. Ces derniers sont donc mis en cause et accusés de fainéantise, ce qui les conduirait à baisser encore plus le salaire qu’ils espèrent toucher.
En s’appuyant sur des données chiffrées, cette étude montre comment ce discours éminemment idéologique est mobilisé pour justifier un programme politique libéral. Elle recherche les responsabilités d’une telle situation, au-delà de la culpabilisation des chômeurs, bien commode pour faire oublier les modes de recrutement en vigueur. Elle analyse la manipulation politique du sujet par des élus ou des représentants du patronat, pour obtenir des réformes sans aucun rapport avec la question.
Sommaire
Introduction générale
L’histoire de l’emploi non pourvu : un serpent de mer
Vingt-six siècles de pénuries de main-d’œuvre
L’apparition de « l’emploi non pourvu »
Un bêtisier contemporain
La rareté du non-pourvoi
Les emplois en France… sont pourvus !
Tours de passe-passe
Une pénurie chronique
L’économie politique du bagne
Les chômeurs, tous coupables ?
Oisiveté des chômeurs… ou paresse des commentateurs ?
Trop de candidats !
Des candidats évincés
Les candidats empêchés
Un culturalisme… universel
Des victimes trompées
La dégradation privée du travail
La dé-protection publique du salariat
L’exploitation des groupes vulnérables
Conclusion
Le mouvement social qui a secoué le Bélarus en 2020 a fait la une de la presse internationale pour son ampleur et pour la violence de la répression policière. De nombreux musiciens rock s’inscrivent rapidement dans ce mouvement contestataire contre la dictature. Cet engagement n’est pourtant pas nouveau : depuis quarante ans, des rockers biélorusses expriment leur opposition aux dominants du champ politique.
Comment se construit l’équivalence entre le rock et la contestation sous régime autoritaire ? À quel point répond-elle à la volonté d’engagement politique des musiciens ? De quelle manière le système autoritaire contribue-t-il à la politisation de la musique ? À partir d’une enquête ethnographique sur le rock biélorusse, l’ouvrage propose une analyse générale des logiques historiques et sociales de l’engagement politique des artistes, où s’articulent l’influence des traditions artistiques, les stratégies de concurrence et de distinction, l’enrôlement par les mouvements sociaux et les effets de censure. À travers l’histoire d’un mouvement artistique c’est aussi l’histoire sociale du Bélarus qui se découvre.
Table des matières
Préface
Translittération cyrillique – latin
Noms de groupes en biélorusse ou russe fréquemment cités et leur traduction
Introduction
Deux mouvements underground
Variation des logiques de la politisation
Première partie. La politisation en héritage. Le rock national au rythme des transformations (post-)soviétiques entre 1983 et 1995
Chapitre 1. « Idéologiquement nuisible » ? Le rock (anti)soviétique entre hétérotopie et politisation
Rock russe – dissident, non officiel, illégitime, underground ?
Un mouvement artistique en dehors ou à la marge du « système » ?
Le rock comme objet artistique illégitime
« Caractère textuel » du rock russe et mobilisation de symboles contestataires
Chapitre 2. Produit musical national. Le rock comme une forme moderne de la « biélorussité »
La « biélorussité » : instrument de distinction pour le rock national
Maria Paula Survilla désigne l’année 1986 comme le moment de l’émergence du mouvement musical qu’incarnerait le « rock biélorusse » :
Les conditions de l’émergence de la « biélorussité » dans le rock : rôle précurseur de deux VIA
… et l’influence des scènes de l’Europe centrale
La propagation des conventions : Mroja et Bonda
Chapitre 3. Le rock de la Renaissance nationale. La politisation sur fond de transformations politiques
Ce que chanter en biélorusse veut dire : statut incertain de la langue biélorusse entre usages admis et « non-conformistes »
Des groupes informels au Front populaire biélorusse – institutionnalisation et politisation du mouvement de la Renaissance nationale
Enrôlement du rock biélorusse par le mouvement de la Renaissance nationale
Chapitre 4. « Le rock contre les révolutions ». Légitimation et consensualisation du rock national
La fin de la biélorussité underground : la chute de l’URSS et l’officialisation relative de la Renaissance nationale 134
Le rock salue l’indépendance, le rock contre les révolutions : consensualisation sans dépolitisation 141
Difficultés d’adaptation au système de marché et nouvelle génération du rock biélorusse 144
Système de production artistique de marché et soutiens politiques, étatiques et entrepreneuriaux discrets 153
seconde partie. La contestation du régime autoritaire. Rock national et anarcho-punk DIY entre art et politique après 1995 163
Chapitre 5. « Merci Loukachenko ». Les transformations autoritaires comme déclencheur de la repolitisation contestataire 165
« Soviétisation symbolique », changements autoritaires et institutionnalisation de l’opposition 166
Un appel au passé soviétique propice à la (re)politisation contestataire 175
Le rock contestataire de nouveau en vogue 186
Galerie d’images 197
Chapitre 6. Underground à double-fond. Des professionnels consacrés aux amateurs militants 221
Le rock national – un underground contestataire professionnalisé ? 222
Anarcho-punk DIY : engagement radical et amateurisme revendiqué 243
Chapitre 7. « Les listes noires font des musiciens les stars ». La censure comme contrainte et comme ressource 263
Censure des concerts 265
Censure dans les médias 271
Censure indirecte : politique culturelle biaisée et pression en dehors de l’activité musicale 274
Tentatives de la cooptation du rock : deux exemples 280
Contournement et usages de la censure 286
Chapitre 8. « Le totalitarisme ne passera pas ». Le chant contestataire entre slogans politiques et expression artistique 295
Les messages politiques dans les textes, les images et la musique 296
Le concert comme scène de prises de position 314
Autres modes de prise de position : interventions dans les médias, système de production et diffusion, engagement auprès des mouvements politiques 320
L’attribution d’un caractère politique 329
Conclusion 335
Entretiens 339
Le mouvement social qui a secoué le Bélarus en 2020 a fait la une de la presse internationale pour son ampleur et pour la violence de la répression policière. De nombreux musiciens rock s’inscrivent rapidement dans ce mouvement contestataire contre la dictature. Cet engagement n’est pourtant pas nouveau : depuis quarante ans, des rockers biélorusses expriment leur opposition aux dominants du champ politique.
Comment se construit l’équivalence entre le rock et la contestation sous régime autoritaire ? À quel point répond-elle à la volonté d’engagement politique des musiciens ? De quelle manière le système autoritaire contribue-t-il à la politisation de la musique ? À partir d’une enquête ethnographique sur le rock biélorusse, l’ouvrage propose une analyse générale des logiques historiques et sociales de l’engagement politique des artistes, où s’articulent l’influence des traditions artistiques, les stratégies de concurrence et de distinction, l’enrôlement par les mouvements sociaux et les effets de censure. À travers l’histoire d’un mouvement artistique c’est aussi l’histoire sociale du Bélarus qui se découvre : celle des luttes culturelles et oppositions politiques, révolutions démocratiques et tournants autoritaires, réinterprétations de l’histoire et bouleversements des hiérarchies artistiques. Plus généralement, l’enquête propose une réflexion sur le fonctionnement quotidien des régimes autoritaires et sur les stratégies de résistance.
Conflits du travail, lutte contre le sida, défense des immigrés, altermondialisme, actions collectives de précaires, féminisme : autant de mobilisations importantes qui ont marqué la vie politique et sur lesquelles cet ouvrage entend apporter un éclairage original et de nouvelles clefs d’analyse. Il montre que les mouvements protestataires ne résultent pas de brutales poussées de mécontentement, mais qu’ils relèvent au contraire d’un domaine d’activité particulier, exigeant la maîtrise de compétences spécialisées. Scrutant les rapports étroits qu’ils entretiennent les uns avec les autres, l’ouvrage montre également que ces mouvements sont loin d’occuper une position marginale et dominée dans le paysage politique : ils constituent un mode d’intervention dans la conduite des affaires de la cité distinct des arènes institutionnelles qu’ils tendent à concurrencer ou à contester.
La notion d’espace des mouvements sociaux au cœur de cet ouvrage invite ainsi à penser la spécificité du registre politique de la protestation collective tout en cernant ses évolutions les plus significatives.
"Salariat" est une revue de sciences sociales, fondée à l’initiative de l’Institut Européen du Salariat. Cette revue pluridisciplinaire s’attache à l’étude du salariat entendu comme rapport social, mais aussi comme classe sociale et comme ensemble institutionnel. Elle a ainsi vocation à publier des travaux portant sur le travail, l’emploi, la protection sociale, le syndicalisme ou les groupes sociaux en lien avec la question salariale.
La revue publie des textes fondés sur des approches empiriques aussi bien que théoriques. Elle entend également participer au dialogue entre les sciences sociales et des acteurs et actrices non académiques.
La revue se conçoit comme un espace intellectuel et scientifique d’échange et de débats. Les articles soumis à deux relecteurs et discutés en comité de rédaction sont évalués à l’aune de l’intérêt pour le débat et l’analyse de l’objet « salariat ». La revue ne se conçoit pas comme un espace d’évaluation des chercheurs et des chercheuses sur le marché du travail académique.
"Salariat" est une revue de sciences sociales, fondée à l’initiative de l’Institut Européen du Salariat. Cette revue pluridisciplinaire s’attache à l’étude du salariat entendu comme rapport social, mais aussi comme classe sociale et comme ensemble institutionnel. Elle a ainsi vocation à publier des travaux portant sur le travail, l’emploi, la protection sociale, le syndicalisme ou les groupes sociaux en lien avec la question salariale.
La revue publie des textes fondés sur des approches empiriques aussi bien que théoriques. Elle entend également participer au dialogue entre les sciences sociales et des acteurs et actrices non académiques.
La revue se conçoit comme un espace intellectuel et scientifique d’échange et de débats. Les articles soumis à deux relecteurs et discutés en comité de rédaction sont évalués à l’aune de l’intérêt pour le débat et l’analyse de l’objet « salariat ». La revue ne se conçoit pas comme un espace d’évaluation des chercheurs et des chercheuses sur le marché du travail académique.
- Directeur de publication: Bernard Friot
- site web de la revue: http://www.revue-salariat.fr/
- Composition du comité de rédaction:
Lucy apRoberts, IDHES
Mara Bisignano, IDHES
Nicolas Castel, 2L2S, Université de Lorraine
Sébastien Chauvin, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Jean-Luc Deshayes, CITERES-COST, Université de Tours
Claude Didry, CMH, CNRS
Maël Dif-Pradalier, HES-SO, Haute école de travail social de Fribourg
Anne Dufresne, GRESEA, CIRTES-UC Louvain
Bernard Friot, IDHES, Université Paris Nanterre
Mathieu Grégoire, IDHES, Université Paris Nanterre
Jean-Pascal Higelé, 2L2S, Université de Lorraine
Florence Ihaddadene, CURAPP-ESS, Université Picardie Jules Verne
Sophie Rétif, IDHES, Université Paris Nanterre
Maud Simonet, IDHES, CNRS
Daniel Veron, CERReV, Université de Caen
Claire Vivés, LISE-CEET, CNAM
Karel Yon, IDHES, CNRS
1980, en Kabylie, des manifestations étudiantes éclatent et revendiquent la reconnaissance de la culture berbère niée par le régime. Les populations kabyles rejoignent le mouvement.
C’est la naissance du Printemps berbère, fêté le 20 avril et commémoré, depuis, dans toute l’Afrique du Nord. Dix ans plus tard, 1991, des scénarios de films dialogués en kabyle sont enfin autorisés. Les tournages commencent dans l’euphorie et la mobilisation populaires.
Le présent livre raconte la naissance des premiers films kabyles : leurs thèmes, leurs esthétiques, leurs décors, les utopies des réalisateurs et, aussi, la formidable adhésion populaire qui les a accompagnés.
Ces films dévoilent une culture où les rôles des femmes acquièrent des perspectives inédites, la terre et le territoire des compréhensions nouvelles tandis que la langue découvre les dialogues de films. Ils sont un fragment de mémoire, ancrée dans l’histoire telles les racines d’un arbre mythique, qui remonte vers le monde du visible à travers le cinéma.
Latéfa Lafer est maîtresse de conférences en anthropologie à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou (Algérie)
Table des matières
Introduction
Chapitre I : Un contexte historique improbable
L’affirmation identitaire dans le cinéma algérien
Chapitre II : Le fait cinématographique
Cinéma amazigh, cinéma algérien : une équation indéterminée
Cinéma amazigh : résistances conceptuelles
Chapitre I : La Colline oubliée
Une société hors-temps entraînée dans la guerre des puissances
Division des espaces et du temps
Chapitre II : La Montagne de Baya
Tragédie de la terre confisquée et résurgence des mythes fondateurs
Représentation mythologique et souffle épique
Résurgence des mythes
Retour au réel historique
Chapitre III : Machaho
L’archaïsme : ogre occulte dans la trame du conte
Machaho, par-delà les lieux et le temps
L’archaïsme campe un personnage occulte
Chapitre I : Du style au discours
Trois démarches distinctes
Chapitre II
De nouvelles articulations dans le cinéma algérien
La langue, la terre et les femmes
Les femmes entre stéréotypes et réalité
Bibliographie
Annexes
1980, en Kabylie, des manifestations étudiantes éclatent et revendiquent la reconnaissance de la culture berbère niée par le régime. Les populations kabyles rejoignent le mouvement.
C’est la naissance du Printemps berbère, fêté le 20 avril et commémoré, depuis, dans toute l’Afrique du Nord. Dix ans plus tard, 1991, des scénarios de films dialogués en kabyle sont enfin autorisés. Les tournages commencent dans l’euphorie et la mobilisation populaires.
Le présent livre raconte la naissance des premiers films kabyles : leurs thèmes, leurs esthétiques, leurs décors, les utopies des réalisateurs et, aussi, la formidable adhésion populaire qui les a accompagnés. Trois fictions : La Colline oubliée, élan militant et représentation sociologique de la Kabylie par Abderrahmane Bouguermouh ; La Montagne de Baya, déploiement des rites cosmogoniques ancestraux par Azzedine Meddour ; Machaho, vision anthropologique de l’archaïsme de la vendetta par Belkacem Hadjadj, émergent tour à tour sur le terrain de l’identité entre 1994 et 1997. Ces films dévoilent une culture où les rôles des femmes acquièrent des perspectives inédites, la terre et le territoire des compréhensions nouvelles tandis que la langue découvre les dialogues de films. Ils sont un fragment de mémoire, ancrée dans l’histoire telles les racines d’un arbre mythique, qui remonte vers le monde du visible à travers le cinéma.
Latéfa Lafer est maîtresse de conférences en anthropologie à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou (Algérie). Après des études en géologie marine, elle a travaillé quelques années à la Cinémathèque algérienne et s’est passionnée pour le cinéma. Sa thèse de doctorat, soutenue en 2015 à l’université Paris 8, porte sur le cinéma algérien et berbère.
Comme le président Macron avait annoncé sa détermination à généraliser les comptes à points, Nicolas Castel et Bernard Friot ont proposé, d’octobre 2018 à juillet 2019 un séminaire complet sur la question organisé par Réseau Salariat à la Bourse du Travail de Paris. Cet ouvrage rend compte de l’ensemble des séances (exposés et échanges) en les actualisant. C’est une contribution à la préparation des futures mobilisations qui, n’en doutons pas, seront nécessaires pour contrer les retraites à points en généralisant la pension comme salaire continué.
Comme le président Macron avait annoncé sa détermination à généraliser les comptes à points, Nicolas Castel et Bernard Friot ont proposé, d’octobre 2018 à juillet 2019 un séminaire complet sur la question organisé par Réseau Salariat à la Bourse du Travail de Paris. Cet ouvrage rend compte de l’ensemble des séances (exposés et échanges) en les actualisant. C’est une contribution à la préparation des futures mobilisations qui, n’en doutons pas, seront nécessaires pour contrer les retraites à points en généralisant la pension comme salaire continué.
L’association d’éducation populaire Réseau Salariat promeut l’extension du salaire à la qualification personnelle.
La pension des fonctionnaires et les retraites du régime général de la Sécurité sociale ou de certains régimes
d’entreprise dits « spéciaux » (EDF, RATP...) sont, en tant que salaire continué, des prémices du salaire attaché à la personne, et non pas au poste de travail. Une telle révolution communiste dans l’institution du travail, la bourgeoisie n’en veut pas et lui oppose depuis 1947 la retraite à points des cadres, étendue à tous les salariés du privé
dans l’Agirc-Arrco. Depuis la fin des années 1980, les réformateurs détricotent le salaire continué assis sur les meilleurs salaires de la carrière pour le transformer en revenu différé, calculé sur la base de points de retraite accumulés sur toute la carrière professionnelle. C’est faute de se battre pour l’extension à tous du meilleur salaire continué dans la pension de retraite que les syndicats
sont battus depuis trente ans.
Ce livre, « Un regard sociologique », rassemble des analyses de différentes dimensions de l’oeuvre de Pierre Bourdieu menées par des collaboratrices et des collaborateurs proches du professeur au Collège de France. Il vise à rendre compte des conditions de production des enquêtes, des concepts et des modèles que Pierre Bourdieu a développés. Ce regard souligne l’importance d’une cumulativité critique qui sous-tend l’ensemble de ses travaux alors que d’autres présentent le modèle d’analyse de l’État que Bourdieu a construit, modèle qui explique, en partie, les raisons qui ont pu conduire à son engagement politique.
Liste des auteurs : Lucien Braun, Jacques Budin, Patrick Champagne, Gaspard Fontbonne, Rose-Marie Lagrave, Remi Lenoir, Gérard Mauger, Christian de Montlibert, Louis Pinto, Andrea Rapini, Loïc Wacquant. Illustration de Joëlle Labiche et Yves Carreau.
Si la collection « Champ social » des éditions du Croquant réédite le n°47-48 de février -mars 2015 consacré à Pierre Bourdieu de la revue Regards sociologiques, c’est à la fois parce que ce numéro est devenu introuvable, mais surtout parce qu’il rassemble un dossier d’une grande diversité et d’une exceptionnelle densité.
La revue Regards sociologiques avait consacré un numéro à Pierre Bourdieu pour honorer une dette symbolique à un chercheur dans lequel elle se reconnaissait et qui l’avait soutenue dès ses débuts, mais surtout parce qu’elle voyait, comme beaucoup d’autres, dans le travail de Bourdieu une contribution majeure au développement de la sociologie.
Les contributions rassemblées dans cet ouvrage, agrémentées de l’œuvre d’artistes qui se sont intéressés à Bourdieu, multiplient les perspectives sur son œuvre : étude des conditions de production des enquêtes, des concepts et des modèles, développement des concepts-clés, construction d’un modèle cohérent de l’État, retour sur tel aspect de la domination masculine, explicitation de ce qu’implique un engagement politique réflexif, restitution de la vivacité de ses cours et de la cérémonie de remise de la médaille d’or du CNRS, exploration des rapports de Bourdieu avec l’œuvre de Mauss, de Wittgenstein et de Marx, etc.
Un premier ensemble d’articles montre dans quelles conditions Bourdieu réalise ses premiers travaux en Algérie où il est confronté aux effets du colonialisme, du racisme et de la guerre. La contribution d’Andrea Rapini retrace les déplacements de Bourdieu et de Sayad au cours de leur enquête sur Le Déracinement. Elle est complétée par un entretien de Tassadit Yacine avec Jacques Budin (un étudiant enquêteur de l’équipe de Bourdieu et de Sayad). Christian de Montlibert met en évidence un triple combat dans les travaux « algériens » de Bourdieu : contre la méconnaissance des cultures qui coexistent alors en Algérie, contre le mépris raciste et contre des conceptions politiques dont il pensait qu’elles risquaient d’obérer l’avenir.
Dans le contexte des années 1980, Remi Lenoir s’interroge ensuite sur « le dit et l’écrit » dans l’œuvre de Bourdieu : quel statut accorder aux transcriptions de ses cours et séminaires ? Comment restituer par écrit la vivacité verbale qui caractérisait Bourdieu enseignant ? À propos du discours qu’il prononce à l’occasion de la cérémonie de la remise de la médaille d’or du CNRS, Loïc Wacquant souligne l’accent qu’il met sur les tensions entre science, autorité et pouvoir, la puissance symbolique de l’État et les raisons qui conduisent le sociologue à s’engager dans le débat civique.
Rémi Lenoir développe les différents niveaux impliqués dans le concept de capital social et montre l’importance qu’a eue pour Bourdieu l’œuvre de Mauss. À propos du concept d’habitus Gaspard Fontbonne met en évidence les effets épistémologiques de la lecture de Wittgenstein. Quant à la domination masculine, Rose-Marie Lagrave éclaire les contradictions, paradoxes et malentendus engendrés par ce livre : il faut tenir compte, selon elle, du contexte scientifique et du rapport de Bourdieu aux recherches féministes.
Un autre ensemble de travaux présente son modèle d’analyse de l’État et s’interroge sur l’engagement politique de Bourdieu. Patrick Champagne analyse le cheminement de Bourdieu pour penser la construction de l’État au fil d’un double processus de concentration des différentes espèces de capital dans un petit nombre de mains. En grande partie par le système scolaire, l’État unifie, homogénéise, standardise les manières de faire et de penser. À propos d’une intervention de Bourdieu sur la crise de l’État, Rémi Lenoir souligne l’importance qu’il attribuait aux transformations des représentations des agents dominants. Lucien Braun, alors directeur des Presses Universitaires de Strasbourg, questionne Bourdieu sur l’avenir de l’autonomie universitaire dans un contexte où l’édition universitaire est de plus en plus dépendante de groupes financiers.
Cet ouvrage se clôture par des analyses de la dimension critique de la sociologie de Pierre Bourdieu qui n’a pas cessé d’insister sur la nécessité d’une démarche réflexive. Après avoir rappelé les prises de position « messianiques » de Marx sur l’avènement d’une société sans classes, Gérard Mauger souligne l’importance accordée par Bourdieu au « travail de représentation » dans toutes mobilisations collectives, à commencer par celle du « peuple », objet de prédilection pour des intellectuels. Après avoir rappelé les confusions autour de l’appellation « sociologie critique », Louis Pinto montre qu’elle n’est ni un accessoire, ni un abus de pouvoir, mais une sorte de nécessité qui conduit à s’interroger premièrement sur les pouvoirs, les limites et les prétentions de la connaissance, deuxièmement sur les capacités à dire le vrai des connaissances « indigènes » , troisièmement sur les effets de dévoilement de l’ordre social.
Enfin ce livre est ponctué par le travail de deux artistes, Joëlle Labiche et Yves Carreau, qui offrent leurs interprétations des « regards » de Pierre Bourdieu : de ceux de prédécesseurs, de contemporains et de membres de ses équipes de travail.
Plutôt qu’une nouvelle description du déclin du PCF, cet ouvrage présente des études visant à restituer les logiques multiples, endogènes et exogènes, qui peuvent rendre compte de l’histoire du PCF dans le dernier demi-siècle. Institution politique dont la vision du monde stalinienne est profondément mise en cause après 1956, le PCF procède à un double aggiornamento, intellectuel et stratégique, que la rupture de l’union de la gauche en 1977 vient briser. Depuis les années soixante en effet, une autre configuration partisane, fondée sur d’autres rapports de force internes entre les différents types de militants et cadres, avait progressivement pris forme au point de menacer les positions de pouvoir des héritiers du « cadre thorézien » dont Georges Marchais était le chef de file.
Les logiques bureaucratiques de survie de l’institution politique qui prévalent après 1978 se traduisent par le départ de nombreux militants (dont beaucoup d’intellectuels), et par des crises, plus ou moins visibles, du groupe des militants et permanents ouvriers. Le désarroi des militants et cadres, souvent vécu dans l’isolement et le « quant à soi », précédant un retrait silencieux et malheureux, dévitalise peu à peu le parti politique, au moment même où s’opèrent des transformations de la classe ouvrière à la fois objectives et subjectives auxquelles le PCF ne peut plus faire face par les moyens de la rhétorique traditionnelle. L’effondrement des régimes communistes en 1989-1991 et l’échec de la stratégie d’attente mise en œuvre depuis 1978 conduisent au rejet de la « matrice stalinienne » (la période Robert Hue, 1994-2002) puis à un démembrement progressif du système d’action communiste et bientôt du PCF lui-même.
Ce livre retrace, sans prétendre à l’exhaustivité, la période algérienne de Pierre Bourdieu : celle qui va de 1956, date de son arrivée dans le Chéllif, région inhospitalière à la chaleur torride en été et au froid glacial en hiver, à 1961, date de son départ précipité d’Alger, ville en proie au terrorisme urbain. Dans l’intervalle, Pierre Bourdieu a été affecté au Gouvernement général, à Alger, comme attaché militaire dont la mission était de rédiger des notes et divers documents nécessaires à l’administration coloniale. Après sa libération du service militaire, il entame une carrière d’enseignant à la faculté d’Alger et de chercheur à l’Ardess (Association de recherche). Cet autre lieu, l’université, lieu de « science » et de « connaissance », lui offrira la possibilité d’étudier les structures sociales et les pratiques culturelles qui fondent la société algérienne alors dans le collimateur d’une armée coloniale obsédée par sa déstructuration.
Table des matières
Présentation
C 'était en Algérie pendant les années de guerre... Ils ont connu Pierre Bourdieu, soldat et apprenti chercheur
Que signifie : débarquer à Alger ?
Un soldat apprenti chercheur
Enseignant et éveilleur de conscience par la recherche
Inventer un mode nouveau de travailler et de résister
Les libéraux étaient des gens qui estimaient que les guerres coloniales étaient hors de saison
Entretien avec André Nouschi
« On n’avait jamais vu “Le Monde” ; nous étions une petite frange de gauche entre les communistes et les socialistes »
Entretien avec Lucien Bianco
« Depuis, je n’ai jamais pensé que la sociologie doive servir à autre chose »
Entretien avec Alain Accardo
« Il se sentait bien avec nous… Cela signifiait qu’il était de notre bord »
Jean Sprecher
C’était un esprit curieux
Père Henri Sanson
C'était en 1957… Sous la lumière d’Alger que j’ai rencontré un des hommes les plus géniaux et les plus attachants
Bernard Mazaud
« Il était UN parmi les dix ». Autour de l’enquête sur les camps de regroupement dans Le Déracinement
Salah Bouhedja
Retour sur l'Algérie au temps des camps de regroupement. Souvenirs d’un étudiant enquêteur dans l’équipe Bourdieu-Sayad
Jacques Budin
L’autre Bourdieu
Entretien réalisé par Hafid Adnani et Tassadit Yacine
Chronologie des événements historiques (1954-1962)
Lettres à André Nouschi
Documents inédits
Les travaux de Bourdieu sur l’Algérie
Index
Ce livre retrace, sans prétendre à l’exhaustivité, la période algérienne de Pierre Bourdieu : celle qui va de 1956, date de son arrivée dans le Chéllif, région inhospitalière à la chaleur torride en été et au froid glacial en hiver, à 1961, date de son départ précipité d’Alger, ville en proie au terrorisme urbain. Dans l’intervalle, Pierre Bourdieu a été affecté au Gouvernement général, à Alger, comme attaché militaire dont la mission était de rédiger des notes et divers documents nécessaires à l’administration coloniale. Après sa libération du service militaire, il entame une carrière d’enseignant à la faculté d’Alger et de chercheur à l’Ardess (Association de recherche). Cet autre lieu, l’université, lieu de « science » et de « connaissance », lui offrira la possibilité d’étudier les structures sociales et les pratiques culturelles qui fondent la société algérienne alors dans le collimateur d’une armée coloniale obsédée par sa déstructuration.
Ce livre vise à éclairer le lecteur, fût-ce partiellement, sur ce parcours exceptionnel, à partir de témoignages oraux, véritables archives vivantes, émanant de collègues et d’étudiants qui ont côtoyé le chercheur en herbe et partagé avec lui moult angoisses, espoirs et désespoirs dans un climat de tensions politiques dans une guerre de libération, qui avait alors gagné tant le monde rural que le monde urbain, comme l’a illustré la bataille d’Alger en 1957.
Directrice d’études à l’EHESS et chercheure au Laboratoire d’anthropologie sociale (LAS), directrice de la revue AWAL, Tassadit Yacine a consacré de nombreux travaux à la compréhension des mécanismes de domination dans les sociétés anciennement colonisées d’Afrique du Nord.
La seconde moitié des années 1970 a marqué le retour en force des protestants évangéliques sur le terrain de la politique partisane. Cette forte mobilisation s’est accompagnée de la mise en place par des leaders religieux conservateurs d’un vaste réseau de lobbies politico-religieux, appelé « Droite chrétienne » (Christian Right). Ayant acquis, au fil des décennies, un poids et une influence considérables, la Droite chrétienne s’impose aujourd’hui comme une force électorale incontournable. À ce titre, elle mérite d’être prise au sérieux, tant sur le plan politique que sur le plan intellectuel.
Lors de l’élection présidentielle de 2016, la Droite chrétienne s’est distinguée par le soutien apporté à Donald Trump, le candidat républicain, de mémoire récente, le moins religieux.
Pour comprendre la Droite chrétienne dans sa globalité – ses origines historiques, ses fondements théologiques, le profil de ses adeptes, le contenu de son programme, son mode opératoire, la complexité de ses relations avec les présidents qui se sont succédé depuis quarante ans –, une analyse détaillée et objective s’impose. C’est l’objectif de ce livre.
Table des matières
Introduction 7
chapitre 1. Présentation 15
Éléments de définition 15
Vision du monde : un mélange d’exceptionnalisme et de prémillénarisme 23
Rapports complexes avec la modernité 34
chapitre 2. Genèse et développement 43
Des origines historiques lointaines 43
Les années 1970 : un revirement radical 51
Un mouvement en constante mutation 90
chapitre 3. Fondements théologiques 107
L’identité évangélique 108
L’essor de l’évangélisme : forces et limites 116
Les grandes familles évangéliques 121
Le fondamentalisme 121
Le néo-évangélisme 130
Le pentecôtisme et le charismatisme 133
Qui sont les évangéliques nord-américains ? 135
Profil socio-économique 138
Croyances et comportement religieux 142
Comportement politique 144
chapitre 4. Programme et stratégies socio-politiques 147
Un programme ou un ensemble de convictions ? 148
Un registre avant tout religieux 148
Rôle crucial de l’ennemi et fixation sur l’humanisme laïque 151
Les grands axes du programme 157
Défense des valeurs morales et sociales traditionnelles 157
Préservation de la famille traditionnelle 158
Condamnation de l’avortement 167
Combat contre l’homosexualité 173
Affaiblissement de l’État et pari sur l’économie de marché 186
Non au contrôle des armes à feu ! 196
Refus radical du changement climatique 200
Ni nouvel ordre international ni mondialisation 203
Une Amérique forte face à l’« empire du Mal » 211
L’islam, le nouvel ennemi à abattre 214
Un soutien sans faille à Israël 223
Des choix stratégiques très diversifiés 234
Des stratégies classiques éprouvées 235
L’alliance avec les think tanks de droite 238
Courrier personnalisé et campagnes de dénigrement 240
Le Morality Rating Record : un outil efficace 242
Prêches et télé-prédication au service de la politique 242
L’enseignement : un moyen de propagande et de recrutement incontournable 244
Le cyberespace religieux 248
chapitre 5. Les relations entre la droite chrétienne et
l’exécutif : 2001-2021 251
George W. Bush : un allié exceptionnel 251
La religiosité de G. W. Bush 253
L’influence de la foi sur la politique intérieure : le conservatisme compassionnel 262
La politique étrangère : la guerre en Irak 270
George W. Bush et la Droite chrétienne 274
L’alliance de la Droite chrétienne et des néoconservateurs 293
Barack Obama, voilà l’ennemi 302
L’univers idéologique et religieux d’Obama 303
Barack Obama et la Droite chrétienne 309
Donald Trump et la Droite chrétienne : une alliance inhabituelle 317
Soutien inattendu à Donald Trump pourtant aux antipodes de l’idéal évangélique 320
Pourquoi Trump séduit-il les électeurs évangéliques ? 324
Les années Trump : bilan 333
chapitre 6. Quel bilan ? 337
Des réactions passionnées et controversées 337
Un bilan inégal malgré un activisme forcené 350
L’enseignement 351
L’avortement 355
L’homosexualité 358
La politique intérieure 361
Politique étrangère 367
Conclusion 375
Bibliographie 383
La seconde moitié des années 1970 a marqué le retour en force des protestants évangéliques sur le terrain de la politique partisane. Cette forte mobilisation s’est accompagnée de la mise en place par des leaders religieux conservateurs d’un vaste réseau de lobbies politico-religieux, appelé « Droite chrétienne » (Christian Right). Ayant acquis, au fil des décennies, un poids et une influence considérables, la Droite chrétienne s’impose aujourd’hui comme une force électorale incontournable. À ce titre, elle mérite d’être prise au sérieux, tant sur le plan politique que sur le plan intellectuel.
Lors de l’élection présidentielle de 2016, la Droite chrétienne s’est distinguée par le soutien apporté à Donald Trump, le candidat républicain, de mémoire récente, le moins religieux.
Pour comprendre la Droite chrétienne dans sa globalité – ses origines historiques, ses fondements théologiques, le profil de ses adeptes, le contenu de son programme, son mode opératoire, la complexité de ses relations avec les présidents qui se sont succédé depuis quarante ans –, une analyse détaillée et objective s’impose. C’est l’objectif de ce livre.
La « politique des chemins courts ». C’est par ces mots que le Président de l’Association des journalistes parlementaires désigne en 1978 la nature des échanges entre les journalistes et le personnel politique dans la capitale fédérale. Cette métaphore donne sens à la naturalisation de la lente construction institutionnelle reconnue par les différents acteurs de l’espace politique fédéral (journalistes, responsables politiques, porte-parole, hauts-fonctionnaires).
L’institutionnalisation de ce monopole n’est pas la résultante de seuls jeux d’interactions, indépendamment de tout contexte socio-politique, mais bien un effet de la structure du champ de la politique fédérale, de son histoire incorporée et instituée ainsi que de ses évolutions depuis la sortie de la Première Guerre Mondiale. L’enjeu de consolidation du régime (quel qu’il soit, démocratique ou autoritaire) est au cœur de la structuration de cet « espace public », pour le défendre face aux menaces réelles ou fantasmées (mais réelles dans leurs effets sur l’organisation d’une administration du porte-parolat), pour convaincre les citoyens et les journalistes de son bienfondé.
Table des matières
Introduction
De la particularité allemande en comparaison internationale
Journalistes et politiques : des associés-rivaux
Quelques éléments de définition
Observer la coproduction des biens symboliques à destination des médias
Comprendre en actes la structuration des espaces publics nationaux
L’espace public et sa contention : l’invention de l’Öffentlichkeitsarbeit
La curialisation des agents dans une capitale fédérale
Pour une sociologie historique des relations presse-politique
Sociogénèse et institutionnalisation d’un espace autonome d’interactions
La production des biens symboliques gouvernementaux : un champ interstitiel au sein de l’État fédéral
Construire une enquête de temps long
Retracer une histoire bureaucratique
Histoire croisée d’archives
Une sociologie de la pratique
Chapitre 1. Organiser les échanges par la Öffentlichkeitsarbeit : une longue tradition de contre-feux politiques
Sauver le régime, installer le régime
Soutenir la forme républicaine de l’État par la propagande : Weimar, 1919-1933
Propagande et Öffentlichkeitsarbeit au service d’une « société dirigée » : la RFA depuis 1949
Une histoire administrative du porte-parolat : institutionnaliser et centraliser
Faire tenir une parole malgré les tensions : la République de Weimar
Le ministère de la propagande défié par la polyarchie du régime national-socialiste
La division ministérielle du porte-parolat en RFA après 1949
Chapitre 2. Au service de la démocratie ? 125
L’espace public incarné des Pressekonferenz 125
L’imbrication des lieux de la publicité : les conférences de presse sous Weimar 127
Définir les règles du jeu : le rôle des conférences de presse 127
L’affirmation des associations professionnelles 133
La Bundespressekonferenz e.V : la construction d’une institution de journalistes 137
Construire un collectif et légitimer la centralité politique de l’institution 138
Préserver l’entre-soi face à la monstration télévisuelle 149
Codifier l’entre-soi et disciplinariser les porte-parole 150
La liberté de la presse s’arrête-t-elle aux relations interallemandes ? 159
Le mur de Berlin : la fenêtre (sale) d’opportunité pour trancher le cas des journalistes de l’Est 159
La Ostpolitik des journalistes 164
Chapitre 3. Sociabilités et pacification des échanges dans l’espace parlementaire 171
Serre, île, bateau ou vaisseau spatial ? Le monde à part de la politique fédérale 173
Berlin, la Medienstadt 174
Une capitale fédérale engoncée : Bonn 177
Le retour de la Medienstadt ? Berlin après 1999 182
La configuration (restreinte) des échanges et sa modalisation 184
Berlin (1918-1933) : Construire un univers d’interdépendances pour mieux apprivoiser la conflictualité 185
Bonn : le charme apaisé d’une ville de province 192
Les mondanités : parfaire la façade pour préserver les coulisses 207
La République réconciliée : le « glam-chic » d’une tradition maintenue à Bonn 217
Maintenir le public à distance du bal de la presse 221
Chapitre 4. La recomposition de l’espace politique après 1999 231
Berlin, années folles (1999-2002) : la conjoncture fluide des premières années 236
La tentation économique de Berlin 237
Starisation et scandalisation de la vie politique 239
Rétablir les règles, (r)établir les frontières du groupe : les statuts de la BPK 243
Une séquence sous tension (2002-2004) : jouer la concurrence et rétablir le modus operandi de Bonn 247
Au commencement, de « banales » demandes de réécriture d’interviews 248
Ne rien laisser passer aux politiques 251
Désectorisation et règlement du conflit 255
Redéfinir les contours réglementaires des interviews 258
La course aux armements communicationnels et le réarrangement du monde de la politique parlementaire 260
Garder les frontières, garder ses distances 263
Le (relatif) désengagement numérique des journalistes de la BPK 271
Exister politiquement, exister journalistiquement : contourner l’atonie des gouvernements de Grande Coalition 280
Occuper l’espace médiatique dans un État fédéral 280
Grande coalition et stratégies parlementaires 282
Les outils parlementaires comme instruments du contrôle médiatique 287
Chapitre 5. L’espace hodologique du pouvoir 297
L’espace restreint du journalisme parlementaire 301
Évolution du nombre de journalistes parlementaires 302
Les transformations structurelles du journalisme parlementaire 307
La précarisation (relative) du journalisme politique 311
Faire nombre : la réunion des rédactions parlementaires 313
Lutter contre l’isolement des rédacteurs 313
L’organisation collective de la couverture du quotidien 315
Faire face aux journalistes : les services du Bundespresseamt et des ministères 319
Les injonctions politiques à paraître 320
Les moyens de la coordination : le personnel du Bundespresseamt 323
L’espace concentrique du pouvoir symbolique 327
Les plans d’un navire provisoire qui a duré : Bonn 1949-1999 327
Une capitale nouvelle aux contours topographiques historiquement prescrits : Berlin, 1999-… 338
Chapitre 6. L’espace homologique du pouvoir 347
De quelques propriétés des journalistes de la BPK 351
Des journalistes aux propriétés sociales hautes 351
La lente féminisation du journalisme parlementaire 353
De quelques homologies sociales 354
La lente féminisation du politique 354
Sur-diplômé•e•s mais moins de docteur•e•s 357
Les sciences de gouvernement au cœur du champ ? 360
Un secteur du champ bureaucratique 364
Un siècle de professionnalisation du porte-parolat 365
L’espace interstitiel entre publicistes et auxiliaires du politique après 1949 367
Parfaire son entrée dans le champ bureaucratique : une analyse séquentielle des carrières des porte-parole 373
Conclusion 383
Annexe méthodologique : terrains d’enquête et sources 391
Liste des entretiens 391
Journalistes : 391
Porte-parole ministériels : 392
Politiques : 392
Fonctionnaires, chargé-e-s de presse ou de communication : 393
Sources 393
Sources prosopographiques et topographiques : 394
Archives de la Bundespressekonferenz : 395
Bundesarchiv (BArch) : 396
Mémoires et autobiographies : 398
Remerciements 400
La « politique des chemins courts ». C’est par ces mots que le Président de l’Association des journalistes parlementaires (la Bundespressekonferenz) désigne en 1978 la nature des échanges entre les journalistes et le personnel politique dans la Capitale fédérale. Il s’offusque du projet de déplacer le corps de presse à quelques encâblures du quartier gouvernemental. Cette métaphore donne sens à la naturalisation de la lente construction institutionnelle reconnue par les différents acteurs de l’espace politique fédéral (journalistes, responsables politiques, porte-parole, hauts-fonctionnaires). Le tour de force symbolique de la Bundespressekonferenz en 1949 est d’avoir su construire un monopole corporatiste de gestion des relations presse-politique en regard d’un appareil d’Etat du porte-parolat gouvernemental. L’institutionnalisation de ce monopole n’est pas la résultante de seuls jeux d’interactions, indépendamment de tout contexte socio-politique, mais bien un effet de la structure du champ de la politique fédérale, de son histoire incorporée et instituée ainsi que de ses évolutions depuis la sortie de la Première Guerre Mondiale. L’enjeu de consolidation du régime (quel qu’il soit, démocratique ou autoritaire) est au cœur de la structuration de cet « espace public », pour le défendre face aux menaces réelles ou fantasmées (mais réelles dans leurs effets sur l’organisation d’une administration du porte-parolat), pour convaincre les citoyens et les journalistes de son bienfondé. La constitution d’une forme particulière de curialisation des acteurs de la démocratie parlementaire allemande n’est donc pas l’effet d’une culture démocratique allemande, mais bien le fruit d’un lent mécanisme de consolidation des échanges. La proposition suivie dans cet ouvrage est de la mise en visibilité médiatique du politique, à la croisée entre sociologie compréhensive du travail journalistique et sociologie politique du pouvoir fédéral allemand, que nous observons dans le temps long de leur institutionnalisation depuis 1918.
Auteur :
Nicolas Hubé est professeur des universités en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Lorraine et membre du CREM (Centre de Recherche sur les Médiations) où il co-dirige l'équipe Praximedia (Journalisme, espace public, représentations). Ses travaux portent actuellement sur les politiques de communication de l'Union européenne, la sociologie comparée du journalisme en Europe ainsi que le phénomène populiste en Europe.
Points forts de l’ouvrage :
- Un travail original sur la politique fédérale et/ou le parlementarisme (ouest-)allemand
- Comprendre le travail des journalistes et des communicants comme des associés-rivaux
- Inscrire la propagande et la communication politique dans leur continuité historique, sans présupposé de différences de nature
- Comprendre le rôle de la République de Weimar dans la structuration du champ du pouvoir allemand sous le nazisme et sous la RFA d’après 1949
Devant la poussée de l'extrême droite, nous remettons en vente ce livre d'Annie Collovald, publié en 2004. Il permet d'utiles comparaisons avec nos livres plus récents sur le même sujet
Le populisme a conquis, dans le milieu des années 1980, une place prédominante dans les commentaires politiques pour désigner des phénomènes qui, à l’instar du FN, étaient jusqu’alors pensés comme relevant de l’extrême droite.
Cette interprétation actuellement dominante dans différents secteurs du commentaire politique (histoire, analyse électorale, sondages, journalisme) voit dans le FN le premier parti ouvrier de France. Des analyses empiriques désignent les groupes populaires comme les principaux soutiens du parti de Jean-Marie Le Pen.
Classes populaires, hier classes dangereuses, aujourd’hui classes autoritaires par ressentiment, aveuglement, inclinaison atavique, mauvaise éducation ou anomie sociale et politique ?
Des analyses mal fondées, doublées de déformations interprétatives, imposent la figure fantasmatique d’un peuple menaçant pour la stabilité de la démocratie, et dénient une fois de plus ce qu’est la réalité sociale et morale des comportements politiques des groupes populaires.
Introduction 7
Quand l’évidence ne fait pas preuve 8
Le « populisme du FN » : une mythologie politique à revisiter 15
Pour une déconstruction des certitudes 19
I. Genèse et réalisation d’un « incroyable politique »
La construction d’une évidence apparemment scientifique 25
Les historiens du contemporain : le fascisme français n’existe pas 26
Faire taire des critiques multiples 29
Le « national-populisme » : les ressources d’une nouvelle classification 32
La circulation des savoirs infondés 38
L’expertise en menaces démocratiques 41
Le « populisme » : juste un mot et non un mot juste 46
Une rhétorique réactionnaire méconnue 55
Certitudes démocratiques et mépris social 57
Une réaction à double détente 60
Le déplacement des détestations croisées 66
Le « populisme » : un lieu commun repoussoir 71
Le réconfort du surplomb moral 74
La cause perdue du peuple 77
Le « populisme » : une notion à écran total 80
« L’appel au peuple » : une pratique d’abord de gauche 90
« L’appel au peuple » : une émancipation populaire 93
Rendre la démocratie réelle 97
Les intérêts d’une fiction démocratique 104
La révolution idéologique du « populisme » 106
II. L’incroyable politique et ses preuves
Vote FN : vote populaire. Les aveuglements d’une idée reçue 119
Ce que disent les résultats des sondages et ce qu’on peut en dire 120
Des incultes programmés 128
Vote FN, vote d’incompétents ? 134
Le vote : d’abord un problème social 138
L’énigme disparue du FN : un électorat infidèle 146
Un raisonnement circulaire 149
Les élites sociales et politiques disparues 158
Un « peuple sans classe » 163
Le populaire sous surveillance 163
Un naturel anti-démocratique 168
Le « mauvais peuple » ou le populaire en négatif 172
La démoralisation politique des groupes populaires 179
Un populaire indifférencié 179
Des jugements à bascule 181
Un populaire sans éthique 184
Le retour de thèses contestées 190
Idéologie, propagande, communication : des explications illusoires 191
La frustration : un prêt-à-porter théorique 196
Une philanthropie conservatrice 200
Le FN, un nationalisme et un mouvement social ?
Des abus d’identité 203
« Populisme » et FN : une identité d’adoption 204
Un nationalisme contrefait 213
La précarité : un destin social 220
Le « social » défiguré 225
Conclusion : Contre les évangélistes de l’incertain 229
Notes 237
Le populisme a conquis, dans le milieu des années 1980, une place prédominante dans les commentaires politiques pour désigner des phénomènes qui, à l’instar du FN, étaient jusqu’alors pensés comme relevant de l’extrême droite.
Cette interprétation actuellement dominante dans différents secteurs du commentaire politique (histoire, analyse électorale, sondages, journalisme) voit dans le FN le premier parti ouvrier de France. Des analyses empiriques désignent les groupes populaires comme les principaux soutiens du parti de Jean-Marie Le Pen.
Classes populaires, hier classes dangereuses, aujourd’hui classes autoritaires par ressentiment, aveuglement, inclinaison atavique, mauvaise éducation ou anomie sociale et politique ?
Des analyses mal fondées, doublées de déformations interprétatives, imposent la figure fantasmatique d’un peuple menaçant pour la stabilité de la démocratie, et dénient une fois de plus ce qu’est la réalité sociale et morale des comportements politiques des groupes populaires. On manque du même coup une véritable analyse des raisons du succès du FN, de la particularité de son déloyalisme politique et de la nature du danger qu’il incarne pour la démocratie. On évite aussi de se poser une question importante pour comprendre comment peut tenir une telle interprétation, si imprégnée de racisme social et si éloignée de toute réalité : à qui et à quoi sert l’autoritarisme prêté au peuple ?