

Les politiques publiques jouent un rôle majeur dans la distribution des biens de santé, et dans leur attribution sélective à certains groupes sociaux. Saisir la production des inégalités sociales face à la maladie et la mort, chercher à comprendre comment certains agents sociaux s’approprient des biens qui ont des effets favorables sur la santé, comment d’autres en sont privés, et identifier les propriétés sociales de ces agents, implique ainsi d’analyser les politiques qui conditionnent cette appropriation. En articulant deux enquêtes sur le dépistage du VIH et dans un hôpital public du Grand-Est pendant l’épidémie de covid, ce livre montre comment les politiques publiques objectivent, occultent, reproduisent et amplifient les inégalités sociales en matière de santé. Ces enquêtes explorent différents niveaux de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques dans le champ de la santé, et mettent en évidence les formes de ciblage et de tri qui les orientent.
Maud Gelly est sociologue (CRESPPA-CSU) et médecin (AP-HP). Ses recherches sociologiques portent sur les inégalités sociales de santé, le champ médical, les politiques publiques dans le champ de la santé. Elle pratique l’IVG dans un hôpital de Seine-Saint-Denis.
La vaccination contre le covid est particulièrement emblématique des effets inégalitaires d’une politique publique qui a privilégié la rapidité du déploiement de la vaccination sur la régulation de la distribution de ressources rares. Elle révèle les dispositions des classes moyennes et supérieures à anticiper les possibles et à s’approprier les ressources sanitaires préventives […].
Le cas de la Seine-Saint-Denis montre que l’appropriation de ressources rares par les classes moyennes et supérieures restreint l’accès aux vaccins des habitant·es d’un territoire populaire surexposé à la contamination et à la mortalité. En excluant tout autre critère de priorisation que l’âge, non seulement l’État n’a pas cherché à compenser les inégalités sociales face à la contamination par le covid et au risque de forme grave et de décès, mais il a laissé libre cours à la virtuosité des classes moyennes et supérieures à s’accaparer des produits de santé, et n’a jamais tenté de corriger par des mesures nationales l’effet rapidement évident d’amplification des inégalités sociales (ici, selon la position de classe et l’origine nationale) généré par la campagne vaccinale contre le covid.
Dans un article sur le ciblage des politiques publiques, Anne Schneider et Helen Ingram proposent un modèle théorique permettant d’analyser comment les politiques publiques renforcent ou diminuent les avantages de certains groupes sociaux, et comment la construction sociale des cibles de l’action publique détermine des bénéficiaires et des perdant·es. Dans ce modèle, les « critères d’éligibilité » définissent les frontières des populations-cibles selon des logiques qui font intervenir leur poids politique et leur image sociale (positive ou négative). Les groupes sociaux politiquement puissants et bénéficiant d’une image sociale positive (dont font partie les personnes âgées, dans le modèle théorique de Schneider et Ingram) sont alors avantagés par les politiques publiques en vertu d’une logique qui légitime cet avantage par l’intérêt général, y compris au moyen de dispositifs qui vont au-devant de la demande (outreach), conduisant à une sur-utilisation du service par les bénéficiaires, tandis que les perdant·es de l’action publique sous-utilisent des services conditionnés à des critères contraignants (prestations sociales sous conditions de ressources, par exemple). Le cas de la politique vaccinale contre le covid ne remet pas en cause ce modèle théorique : les personnes âgées et diplômées s’y trouvent avantagées au nom de l’intérêt général, puisqu’il s’agit, au printemps 2021, de réduire la circulation virale dans l’ensemble de la population par une vaccination massive et rapide, et la délégation de la prise de rendez-vous à Doctolib peut être analysée comme une forme d’outreach vers les agents les plus diplômés.
Plus ponctuels et bien moins efficaces pour étendre la couverture vaccinale aux régions dominées de l’espace social, les divers dispositifs mis en œuvre par certaines collectivités territoriales dans des territoires populaires, promus comme des dispositifs permettant d’ « aller vers » les publics sous-utilisant les services de vaccination, peuvent alors être analysés comme des moyens de compenser le non-recours aux droits sociaux en allant au-devant de la demande, mais aussi comme des mesures de rattrapage minimal et a posteriori des inégalités sociales amplifiées par la campagne vaccinale. L’externalisation généralisée de la prise de rendez-vous pour la vaccination et la réduction de l’accueil physique à une fonction résiduelle (pour celles et ceux qui ne parviennent pas à prendre rendez-vous sur internet) contribuent ainsi à la dualisation du service public.
De même que les politiques publiques de lutte contre le VIH s’appuient sur les données épidémiologiques pour cibler les hommes homosexuels et les personnes étrangères, le ciblage de la politique vaccinale sur le seul critère de l’âge s’appuie sur les données épidémiologiques qui prouvent de façon indubitable l’élévation de la mortalité liée au covid avec l’âge. Dans les deux cas, cet appareillage statistique confère aux politiques publiques « des accents d’intérêt général », mais tend à occulter les inégalités sociales qui fragmentent des groupes construits comme homogènes sur la base de critères épidémiologiques […]. Le déploiement de la campagne vaccinale sur un critère d’âge ignore ces inégalités sociales, et sa délégation à un opérateur privé les a creusées.
[…]
Pratique routinière habituellement confinée aux coulisses de l’institution hospitalière, le tri des malades est devenu objet de débat public et de panique morale avec l’épidémie de covid. Le gouvernement a légitimé les mesures de confinement par un impératif moral : éviter aux agents de l’hôpital de devoir trier les malades. Les ARS des régions les plus touchées, ainsi que les directions hospitalières, ont ordonné des mesures de réorganisation de l’hôpital (plan blanc, annulation massive des hospitalisations programmées) permettant d’accroître l’offre hospitalière dédiée au covid au détriment de toute autre activité. À la levée de chaque mesure de confinement et de chacun des « plans blancs » des années 2020 et 2021, le gouvernement et les directions hospitalières se sont félicités d’avoir ainsi conjuré le tri des malades du covid, et ont gardé un silence pudique sur celui, colossal, qui a évincé de l’hôpital presque tou·tes ses autres usagèr·es, dans un contexte de compétition accrue pour des ressources hospitalières restreintes.
Les ARS et les sociétés savantes de médecine d’urgence et de réanimation, que l’on peut considérer comme des agents intermédiaires de l’action publique, ont formulé les règles de la compétition sans définir de critères d’exclusion, sous la forme de guides pratiques qui orientent la priorisation des malades de covid sans définir des seuils d’âge ou de gravité des comorbidités qui légitimeraient le refus de réanimation.
Les agents de l’hôpital accueillant les malades du covid ont pourtant vu baisser les seuils (d’âge, de corpulence et de gravité des comorbidités) qui n’avaient jamais été définis. Les délibérations sur les critères d’exclusion de la réanimation ont inclus un nombre restreint de médecins proches des instances de direction de l’hôpital. Les autres agents de l’hôpital, infirmièr·es et aides-soignant·es au chevet des mourant·es exclu·es de la réanimation, secrétaires en charge de l’annulation massive des consultations et hospitalisations programmées pour des motifs jugés moins urgents que le covid, médecins des services dans lesquels étaient relégué·es les malades exclu·es de la réanimation, ont éprouvé des dilemmes moraux qui ne sont pas tant liés au tri des malades qu’à la contradiction entre son évidence pratique et sa dénégation par l’institution hospitalière. Or cette contradiction est constitutive d’une forme de mauvaise foi de l’institution, qui consiste à dénier ou masquer les conséquences de ses actes, et à déléguer aux agents travaillant au contact du public la mise en œuvre du tri dénié par le gouvernement, les directions hospitalières et les sociétés savantes.
La mauvaise foi de l’institution est révélée aux agents de l’hôpital par la dénégation du tri des malades, et surtout par les éléments de continuité entre les périodes qui précèdent et suivent la crise épidémique, relativisant le caractère inédit de la crise. La multiplication des dispositifs visant à faire sortir les malades de l’hôpital au plus vite précède ainsi l’épidémie de covid de quelques années, et fait suite aux fusions et fermetures de service qui ont réduit l’offre hospitalière en diminuant le nombre de lits et de postes. Les agents qui légitiment les fermetures de service, notamment les services d’urgence et de maternité récemment supprimés dans le groupe hospitalier, sont aussi ceux qui euphémisent ou dénient le durcissement du tri des malades pendant la crise épidémique : les médecins chefs de service ou proches des instances de direction. Au contraire, celles et ceux qui ont éprouvé des dilemmes moraux face au tri accru par l’épidémie sont plus souvent des agents subalternes résidant dans des vallées éloignées de l’hôpital central, étaient des usagèr·es des services fermés dans ces vallées, et ont parfois participé aux mobilisations (défaites) qui ont tenté d’empêcher ces fermetures de services. L’adhésion à la mauvaise foi de l’institution est d’autant plus forte que les agents sont proches des instances qui dirigent cette dernière, et relativement épargnés, en tant que professionnel·les mais aussi en tant qu’usagèr·es, par le recul des services publics.
Remerciements
Liste des abréviations
Introduction
Santé et inégalités sociales
Une entrée par les politiques publiques
Les enquêtes
Première partie
Acteurs étatiques et non-étatiques des politiques
publiques de santé
Chapitre 1. Déléguer l’action publique au secteur associatif pour atteindre des groupes minoritaires exposés au VIH
Sociohistoire des politiques publiques de prévention et de dépistage du VIH : la césure des trithérapies
La division du travail de santé publique
Des savoirs d’État produits pour orienter l’action publique : connaissances et méconnaissances des déterminants
sociaux de la santé
Conclusion
Chapitre 2. Réguler l’offre et la demande de ressources sanitaires pendant l’épidémie de covid 69
Protéger la population pour protéger l’hôpital
Libérer les lits et les personnels hospitaliers
Conclusion
Deuxième partie
Répartir des ressources contraintes
Chapitre 3. Ajuster le travail de dépistage du VIH aux cibles de l’action publique
Une forme déniée et socialement différenciée d’autorité pédagogique
Des associations sous contrôle
Conclusion
chapitre 4. Les règles du jeu et le jeu avec les règles :
la distribution des lits hospitaliers et des vaccins contre le covid
Changer les règles à l’hôpital ?
Le secteur privé au guichet de la vaccination
Conclusion
Troisième partie : Pratique et raisons pratiques du tri des malades
Chapitre 5. Différencier les destinataires du dépistage du VIH pour optimiser le travail de santé publique
Critères et pratiques du classements des publics
Raisons pratiques du classement des publics
Conclusion
Chapitre 6. Les agents de l’hôpital public aux prises avec la pénurie révélée par l’épidémie de covid
Le tri des malades et la mauvaise foi de l’institution
Une crise inédite ?
Conclusion
Annexes
Avec le développement de l’internet, l’action de l’État est prise dans une toile d’échanges numériques toujours plus dense. Cette toile apparaît comme un monde libertaire, décentré, changeant et sans frontière, en contradiction par conséquent avec les logiques même de l’action publique, dont l’objectif est de disposer d'outils de contrôle, d’organisation et de coercition. L’État peut-il rendre gouvernable cet univers ? Comment a-t-il pris pied dans la toile ? Et quelles caractéristiques communes rassemblent cet ensemble disparate d’interventions liées au numérique ?
L’ouvrage propose ainsi de démêler les liens entre l’État et la toile. Le récit qui en découle constitue la première histoire du traitement public de l’internet en France. Original par son ancrage national et son ampleur historique, il adopte un point de vue inédit non pas sur l’État mais depuis l’État. Il dévoile ainsi les rouages d’une révolution numérique dans l’État, conçue comme l’importation des logiques du monde de l’internet dans le secteur public, ainsi que leur traduction constante, voire leur subversion, dans les administrations.
Une recension sur le site Nonfiction
Anne Bellon est docteure en science politique et maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Technologique de Compiègne. Enseignante et chercheuse, elle travaille et publie sur la régulation des grandes plateformes, les politiques de l’internet, la démocratie en ligne, les mobilisations numériques et la transformation de l’État. Elle œuvre également au développement de nouvelles méthodes numériques pour les sciences sociales.
Comprendre une politique publique, son orientation, son style, ses instruments, implique de reconstituer la structure des relations sociales qui la fondent. Parmi les différents outils permettant de réaliser un tel pro- gramme, la sociologie des champs de Pierre Bourdieu apparaît particulièrement féconde. Ce livre illustre la portée d’une telle analyse, rarement mobilisée en matière d’action publique, en la mettant en œuvre sur des objets très différents (politiques économiques, usages politiques de l’histoire, salubrité alimentaire, gestion de l’eau, politiques de l’Union européenne, etc.). Il rassemble des contributions de chercheurs du monde entier (Argentine, Brésil, Canada, États-Unis, France, Suisse) travaillant sur ces pays et d’autres encore (Chili, Pérou, Pologne, Roumanie). Cette recherche collective renouvelle ce faisant l’analyse des politiques qui affectent la vie des populations et régulent les sociétés contemporaines.
Table des matières
Introduction
Vincent Dubois
A. les politiques sectorielles comme champs
1. Construire le champ du pouvoir scolaire :
socio-histoire et analyse structurale de deux moments critiques
Pierre Clément
2. L’espace de la politique économique au Brésil :
analyse des correspondances multiples et analyse de réseaux
Elisa Klüger
3. Le champ des politiques hydriques dans l’Ouest étasunien :
éléments d’interprétation des instruments d’ action
Joan Cortinas, Brian O’Neill & Franck Poupeau
4. La politique de sécurité comme produit du rapport de forces au sein du champ. Le cas de la Suisse au milieu des années 2010
Stephan Davidshofer, Amal Tawfik, Jonas Hagmann
5. De la théorie de l’État à la sociologie des champs de l’ action
publique en Amérique latine : la production des politiques
économiques au Pérou
Arthur Morenas
B. le champ bureaucratique et la production de l’ action
publique
6. Champ bureaucratique et sociologie de l’ action publique. De la structure de l’ administration à la production de l’ action publique
Victor Demenge et Melaine Robert
7. Le rôle de l’ autonomisation du champ bureaucratique dans le développement de l’ action publique : le cas de la politique canadienne de salubrité alimentaire entre 1874 et 1969
Caroline Dufour
8. L’ action publique comme produit de la structure professionnelle du champ bureaucratique
Victor Demenge
C. expertise et think tanks : des champs interstitiels
9. Des savoirs à la croisée des champs. Réflexions à partir du cas de l’expertise sur la radicalisation en France
Lili Soussoko
10. Sur la force des champs faibles : réflexion sur les think tanks et les champs interstitiels de l’ action publique
Thomas Medvetz
D. l’ action publique et les relations entre champs
11. L’emprise du champ journalistique sur l’ action publique nationale. Ou comment expliquer sociologiquement une décision gouvernementale « médiatique »
Jérémie Nollet
12. Les relations entre champ scientifique et champ bureaucratique en contextes « autoritaires » et « démocratiques » : la politique de l’histoire en Pologne
Valentin Behr
13. Les relations entre champs bureaucratique et entrepreneurial. Éclairages sur la contribution de l’ action publique à la délimitation des activités économiques légitimes
Antoine Roger
E. décision, mise en œuvre, circulation internationale : des processus revisités à la lumière de la sociologie des champs
14. La décision saisie par la sociologie des champs. L’exemple des grands travaux culturels présidentiels
Thomas Hélie
15. Analyser la mise en œuvre de l’ action publique européenne avec la sociologie des champs. Quelques remarques sur la politique de cohésion de l’Union Européenne
Vincent Lebrou
16. La circulation internationale et les champs de l’ action publique dans les pays périphériques : le cas latino-américain
Paul Hathazy
vi. les configurations internationales et leurs effets sur l’ action publique
17. Ce que le champ de l’Eurocratie nous dit des politiques européennes
Didier Georgakakis
18. Ce que le champ international fait aux politiques étrangères
Florent Pouponneau
conclusion
Vincent Dubois
index
auteurs
Comprendre une politique publique, son orientation, son style, ses instruments, implique de reconstituer la structure des relations sociales qui sont à son principe. Parmi les différents outils mobilisables pour réaliser un tel programme, la sociologie des champs de Pierre Bourdieu apparaît particulièrement féconde. Ce livre illustre la portée d’une telle analyse, rarement mobilisée en matière d’action publique, en la mettant en œuvre sur des objets très différents (politiques économiques, usages politiques de l’histoire, salubrité alimentaire, gestion de l’eau, politiques de l’Union européenne, etc.). Il rassemble des contributions de chercheurs du monde entier (Australie, Brésil, Canada, États-Unis, France, Suisse) travaillant sur ces pays et d’autres encore (Argentine, Pérou, Pologne). Sur cette base, cette réflexion collective propose une autre manière de voir et d’analyser les politiques qui affectent la vie des populations et régulent les sociétés contemporaines.
L’Ouest étasunien vit une sécheresse sans précédent. Si la pénurie d’eau ne deviendra irrémédiable, selon les hydrologues, que vers 2050, il n’en reste pas moins que les principaux facteurs de vulnérabilité sont déjà présents : une croissance économique basée sur un secteur agro-industriel qui consomme de grandes quantités d’eau, un développement urbain avec des besoins énergétiques croissants et des effets déjà perceptibles du changement climatique. Face à cette situation, les autorités compétentes tâchent de promouvoir la mise en place d’une gestion plus « durable » de la ressource hydrique. Il n’est pas tant question de revoir le modèle économique et urbain à la source d’une consommation excédant les ressources que de trouver des arrangements permettant de poursuivre l’expansion économique et urbaine. L’enquête présentée dans ce livre décrypte, en s’appuyant sur la théorie des champs de Pierre Bourdieu, les ressorts sociologiques de la mise en œuvre de cette non-solution à la crise hydrique associant autorités publiques, opérateurs d’eau et ONG.
Cet ouvrage sera disponible à la mi-février 2023. Il peut être commandé dès maintenant. Le PDF est disponible dès maintenant
remerciements
préface : Les ruses de la raison écologique
introduction : une sociologie des politiques hydriques
Le modèle exploratoire du champ
Les protagonistes de l’eau du bassin du Colorado : une perspective relationnelle
L’intégration des enquêtes dans l’analyse du champ
chapitre 1 : de l’eau pour une nouvelle Amérique : splendeur et déclin des ingénieurs (1870-1960)
Ingénieurs fédéraux et réformateurs locaux
L’échec de l’Amérique des petits propriétaires
Face à la Grande Dépression, les mégaprojets hydriques de l’État fédéral
Le partage du Colorado : luttes et compromis entre États
Environnementalistes et fonctionnaires du budget face aux mégaprojets hydriques
chapitre 2 : une impossible gestion de l’environnement : l’emprise des promoteurs immobiliers (1960-2010)
L’enjeu de l’eau à Tucson, Arizona
L’eau et le business des terres agricoles : l’essor des petites municipalités périphériques
Promoteurs immobiliers, consultants et lobbyistes en faveur du périurbain
Attractivité urbaine et politiques de conservation
chapitre 3 : un consensus paradoxal en Arizona
La spécificité du Pima County et la diffusion des politiques de water conservation en Arizona
Architecture institutionnelle et production du consensus
Un réseau polycentré en contact permanent
Des orientations différentes
Un conservationnisme local, participatif et compatible avec la croissance économique
Savoirs et trajectoires professionnelles dans la coalition
programmatique instrumentale
chapitre 4 : un conservationnisme sous contraintes en Californie
Les protagonistes de l’eau en Californie
Une architecture institutionnelle freinant la régulation
Nouvelles et vieilles méthodes au service des opérateurs
Une mobilisation des savoirs et des populations
chapitre 5 : les instruments d’action publique comme effets de champ
Les limites du champ : des institutions aux instruments
d’action
Les prises de position sur la gestion de la sécheresse
La polarisation du champ des politiques hydriques
Des positions aux prises de position : le choix des instruments comme effet de champ
conclusion : l’écologisation paradoxale des politiques de l’eau
annexes
Liste des documents et illustrations
Liste des sigles
Index des noms
Index des notions
Présentation des auteurs
L’Ouest étasunien vit une sécheresse sans précédent. Si la pénurie d’eau ne deviendra peut-être irrémédiable, selon les prévisions des hydrologues, que vers 2050, il n’en reste pas moins que les principaux facteurs de vulnérabilité sont déjà présents : une croissance économique basée sur un secteur agro-industriel qui consomme de grandes quantités d’eau, un développement urbain avec des besoins énergétiques croissants et des effets déjà perceptibles du changement climatique. Face à cette situation, les autorités compétentes tâchent de promouvoir la mise en place d’une gestion plus « durable » de la ressource hydrique. Il n’est pas tant question de revoir le modèle économique et urbain à la source d’une consommation excédant les ressources disponibles que de trouver des arrangements contractuels et techniques permettant de poursuivre l’expansion économique et urbaine. L’enquête présentée dans ce livre décrypte, en s’appuyant sur la théorie des champs de Pierre Bourdieu, les ressorts sociologiques de la mise en œuvre de cette non-solution à la crise hydrique associant autorités publiques, opérateurs d’eau et ONG.
Depuis une dizaine d’années, l’accès au RSA (revenu de solidarité active) est présenté comme plus simple, plus efficace et plus rapide, les outils numériques devant permettre de faciliter la réalisation des démarches administratives. Or, pour nombre de personnes, la réalité est tout autre. Entre la fermeture des guichets, les difficultés d’obtenir un rendez-vous, et l’usage de l’administration en ligne, l’obtention du RSA devient plus complexe pour celles et ceux qui sont placé·es en bas de la hiérarchie sociale.
Nourrie par une ethnographie au long cours menée en milieu rural, l’enquête présentée dans cet ouvrage explore les parcours des demandeurs et demandeuses de RSA, révélant les barrières qu’ils et elles doivent franchir afin d’espérer obtenir leurs droits. En questionnant à la fois les réformes de numérisation et ce que vivent les classes populaires résidant à distance des centres urbains, apparaissent alors les ressorts d’un État social qui, à distance, façonne les inégalités d’accès aux droits.
Les politiques publiques jouent un rôle majeur dans la distribution des biens de santé, et dans leur attribution sélective à certains groupes sociaux. Saisir la production des inégalités sociales face à la maladie et la mort, chercher à comprendre comment certains agents sociaux s’approprient des biens qui ont des effets favorables sur la santé, comment d’autres en sont privés, et identifier les propriétés sociales de ces agents, implique ainsi d’analyser les politiques qui conditionnent cette appropriation. En articulant deux enquêtes sur le dépistage du VIH et dans un hôpital public du Grand-Est pendant l’épidémie de covid, ce livre montre comment les politiques publiques objectivent, occultent, reproduisent et amplifient les inégalités sociales en matière de santé. Ces enquêtes explorent différents niveaux de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques dans le champ de la santé, et mettent en évidence les formes de ciblage et de tri qui les orientent.