

Ce deuxième volet du dossier sur les classes sociales aborde quelques-uns des enjeux conceptuels et politiques d’une approche en terme de « classes ».
Postulant qu’en délaissant cette approche la sociologie s’est privée d’un ensemble de questionnements, de notions et de résultats forgés par une longue tradition de recherche, il propose une série de contributions démontrant, à partir de points de vue variés, la fécondité des outils conceptuels « classistes » pour saisir et analyser les dynamiques sociales du présent.
Il soulève enfin quelques questions plus immédiatement politiques, en interrogeant la capacité de mobilisation (partisane et syndicale) des « classes populaires », et en reposant, contre les fausses évidences de la stratégie « populiste », la (vieille) question des « alliances de classes ».
Table des matières
Éditorial : Pour un changement de paradigme, Frédéric Lebaron
Dossier
Les classes sociales en question (II), Antony Burlaud et Gérard Mauger
Penser les classes avec Erik Olin Wright, Ugo Palheta
« Élite(s) » et « classe(s) dirigeante(s) ». Les sœurs ennemies de la sociologie, François-Xavier Dudouet
Compromis de classe et réformisme des dominants. Une approche néoréaliste, Stefano Palombarini
Le capitalisme managérial. Les voies de l’hybridité, Gérard Duménil et Dominique Lévy
Préférences électorales et normes d’emploi. Comment votent les catégories populaires ?, Antoine de Cabanes et Yann Le Lann
Les classes populaires au travail : Quelle représentation ?, Sophie Béroud
Grand entretien avec Francine Muel-Dreyfus
Accéder à l’inconscient social, Annie Collovald
Alterindicateurs
La pauvreté subjective comme mesure de l’insécurité sociale. Une comparaison des différents indicateurs de pauvreté, Nicolas Duvoux et Adrien Papuchon
Chroniques du monde
Coup d’œil sur l’éducation au Brésil de Bolsonaro. « Pas de financements pour la philosophie et la sociologie : il faut respecter l’argent du contribuable », Marie France Garcia Parpet
Idées
Une thérapie sociologique ? « Devenir quelque chose comme un sujet » , Gérard Mauger
Ce deuxième volet du dossier sur les classes sociales aborde quelques-uns des enjeux conceptuels et politiques d’une approche en terme de « classes ».
Postulant qu’en délaissant cette approche la sociologie s’est privée d’un ensemble de questionnements, de notions et de résultats forgés par une longue tradition de recherche, il propose une série de contributions démontrant, à partir de points de vue variés, la fécondité des outils conceptuels « classistes » pour saisir et analyser les dynamiques sociales du présent.
Il soulève enfin quelques questions plus immédiatement politiques, en interrogeant la capacité de mobilisation (partisane et syndicale) des « classes populaires », et en reposant, contre les fausses évidences de la stratégie « populiste », la (vieille) question des « alliances de classes ».
Table des matières
Éditorial : Pour un changement de paradigme, Frédéric Lebaron
Dossier
Les classes sociales en question (II), Antony Burlaud et Gérard Mauger
Penser les classes avec Erik Olin Wright, Ugo Palheta
« Élite(s) » et « classe(s) dirigeante(s) ». Les sœurs ennemies de la sociologie, François-Xavier Dudouet
Compromis de classe et réformisme des dominants. Une approche néoréaliste, Stefano Palombarini
Le capitalisme managérial. Les voies de l’hybridité, Gérard Duménil et Dominique Lévy
Préférences électorales et normes d’emploi. Comment votent les catégories populaires ?, Antoine de Cabanes et Yann Le Lann
Les classes populaires au travail : Quelle représentation ?, Sophie Béroud
Grand entretien avec Francine Muel-Dreyfus
Accéder à l’inconscient social, Annie Collovald
Alterindicateurs
La pauvreté subjective comme mesure de l’insécurité sociale. Une comparaison des différents indicateurs de pauvreté, Nicolas Duvoux et Adrien Papuchon
Chroniques du monde
Coup d’œil sur l’éducation au Brésil de Bolsonaro. « Pas de financements pour la philosophie et la sociologie : il faut respecter l’argent du contribuable », Marie France Garcia Parpet
Idées
Une thérapie sociologique ? « Devenir quelque chose comme un sujet » , Gérard Mauger
En tant que stupéfiants, les drogues représentent aujourd’hui un chiffre d’affaires mondial de 243 milliards d’euros, chiffre qui, s’il était rapporté au PIB d’un pays, placerait celui-ci au 21ème rang économique mondial, juste derrière la Suède.
L’objet de ce dossier porte sur l’espace politique des drogues. Il vise à interroger la manière dont elles travaillent l’ordre social et comment celui-ci façonne en retour leur production, leur circulation et leurs usages. Au-delà de considérations normatives et pathologisantes, il cherche à analyser la construction des catégories d’entendement du phénomène stupéfiant, dans ses représentations sociales et ses croyances. Autrement dit, il s’agit d’interroger la façon dont les drogues produisent des ordonnancements du monde, dans ses versants économiques bien sûr, mais aussi dans ses versants sociaux. Les approches tant historiques, sociologiques, juridiques, qu’économiques et sanitaires seront mises à contribution, en embrassant un champ géographique vaste allant de l’Asie aux Amériques en passant par l’Europe.
Marx et ses héritiers avaient fixé les traits distinctifs d’une approche « classiste » de la société : effort pour appréhender la société de manière globale, rôle primordial accordé aux critères économiques, conception hiérarchique, relationnelle et antagonique des classes.
Assimilée et retravaillée, cette approche a nourri la sociologie, en dehors même de la tradition marxiste, et fortement imprégné les discours sur le monde social jusque dans les années 1970. Si, pour de multiples raisons, le concept de classe sociale a ensuite perdu sa centralité, les approches en termes de classes semblent aujourd’hui retrouver droit de cité.
C’est à ce « retour des classes sociales » dans le discours sociologique que ce numéro aimerait contribuer en proposant un ensemble de contributions mobilisant ou discutant l’outil « classe » et l’approche « classiste ».
Ce premier volet du dossier présente quelques éléments de cartographie macro-sociale – à l’échelle de la France, de l’Europe et du monde – en s’efforçant de saisir à chaque fois les dynamiques de cohésion et de fragmentation qui travaillent les classes.
La deuxième partie du dossier s’attachera à quelques-uns des « outils conceptuels » propres aux traditions sociologiques « classistes » et évoquera certains enjeux politiques liés à la question des classes
Table des matères
Éditorial Capitalisme français : le début de la fin ?, Frédéric Lebaron
Dossier. Présentation : Les classes sociales en question (I), Antony Burlaud et Gérard Mauger
Classes moyennes. L’ambivalence d’une progression sociale, Thomas Amossé
Ouvriers et employés aujourd’hui. Une photo de classe, Yasmine Siblot, Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet, Nicolas Renahy
Une cartographie statistique de la France contemporaine. Quelques grands principes de différenciation sociale, Rémi Sinthon
Des frontières de classes transnationales ?, Cédric Hugrée, Étienne Penissat, Alexis Spire
Ce que la financiarisation fait aux classes sociales, Benjamin Lemoine, Quentin Ravelli
Grand Entretien avec Michelle Perrot : « Rendre visibles des corps, faire entendre des voix ». Propos recueillis par Antony Burlaud et Annie Collovald
Paroles. Être dominée et fabriquer des élites. Une secrétaire des Grandes Écoles au travail, Annabelle Allouch
Actualité. Ma thèse en 180 secondes. La visibilité comme instrument d’oppression symbolique, Vincent Mariscal
Rhétorique réactionnaire. L’État face aux « Gilets jaunes ». Violence physique et violence symbolique, Gérard Mauger
La formule se stabilise (toujours) dans l’improvisation et l’urgence, et ce numéro 6 d’ajouter à ces tâtonnements. Le sommaire comporte des enquêtes sur l’histoire sociologique de l’économie agraire en Roumanie, la saisie d’une dispute épistémologique entre Jean-Claude Gardin et Jean-Claude Passeron, l’étude de la structuration des réseaux de « Normale Sup’ ».
Chaque livraison de Zilsel est l’occasion de nouveaux tests et ajustements critiques. Télécharger la table des matières et l'éditorial
Une synthèse bibliographique sur les ingénieries de l’environnement en Afrique complète ces tentatives d’épuisement.
Le dossier fait le point sur l’émergence du problème de l’intégrité scientifique, à partir d’un cas particulièrement retentissant ces dernières années
– ce que divers médias ont construit comme « l’affaire Olivier Voinnet ».
Pour envisager cette question dans tous ses aspects, y compris les plus controversés, la revue risque un positionnement scientifique et politique sur la crête, notamment en intégrant une contribution réflexive du premier intéressé.
Ce double registre de l’analyse scientifique et de l’intervention politique sur le devenir des sciences anime également l’éditorial invité, qui porte sur les menaces que fait peser le capitalisme sur le travail des femmes et hommes de science.
En plus de ces articles, ce numéro intègre des « Libres échanges » avec le sociologue Nicolas Dodier, qui sont l’occasion de reconstituer les fils d’une carrière et de contributions importantes au domaine STS.
On trouvera également un texte inédit en français de Ludwik Fleck, pionnier des études sociales des sciences et techniques, « À propos de la crise de la “réalité” » (1929), ainsi que des critiques d’ouvrages portant sur des sujets aussi variés que les ondes gravitationnelles, la cybernétique en France,
le gouvernement de la pollution industrielle, les soi-disant racines philosophiques du « macronisme », l’eugénisme et le racisme pop d’un « expert médiatique » qui s’est essayé au roman de science fiction, l’ethnographie ethnographiée par la police politique secrète sous l’ère communiste en Roumanie.
On l’aura compris, ce Zilsel 6 n’est pas résumable, il part dans de multiples sens, et c’est pourquoi la rédaction est particulièrement heureuse de le mettre en circulation.
Un 6 soit-il.
Avec les contributions de
Virginie Althaus, Pierre Bataille, Michel Dubois, Ludwik Fleck, Catherine Guaspare, Morgan Jouvenet, Jérôme Lamy, Julien Larregue, Gaïa Lassaube, Thibault Le Texier, Sébastien Plutniak, Antoine Roger, Arnaud Saint-Martin, Oliver Schlaudt, Émilien Schultz, Johanna Siméant-Germanos, Mathieu Triclot, Olivier Voinnet.
Pour une sociologie du handicap
Que recouvre exactement l’expression « sociologie du handicap » ? Que peut bien avoir à dire la sociologie sur ce phénomène a priori biomédical ?
Plus largement, que nous apprennent concrètement les recherches dans ce domaine ? Et pourquoi est-il possible d’affirmer qu’elles constituent aujourd’hui un enjeu majeur pour les personnes dites « handicapées » ou « en situation de handicap » ? C’est à ces questions que tente de répondre ce numéro.
Pour ce faire ont été réunis un ensemble de travaux récents recouvrant des dimensions de la question du handicap aussi variées que possible (dimensions politique, juridique, scolaire, familiale, questions de l’accès à l’emploi, etc.) et apportant un éclairage indispensable sur ce que signifie être (dit) « handicapé·e » aujourd’hui. Chacune à sa manière, ces recherches montrent aussi à quel point le traitement de cette question est traversé par des contradictions et de nombreux paradoxes. À quel point, par conséquent, il est urgent d’y réfléchir en mobilisant les savoirs accumulés par les sciences sociales, trop longtemps considérées en ce domaine comme simple supplément d’âme.
Nous n’y avons pas coupé : cette cinquième livraison de Zilsel envisage la question pressante de l’Intelligence Artificielle.
La contribution, en marge mais pionnière et conséquente, des Science and Technology Studies à cette question fait l’objet du dossier central, augmenté d’articles exploratoires sur le machine learning ou la fabrication des algorithmes. Par contraste avec l’emballement contemporain autour des promesses de l’IA, la stratégie consiste ici à baisser d’un ton, à mettre en perspective le phénomène sur le temps long et à explorer de près – y compris dans l’élaboration directe de techniques apparentées à l’IA.
Les enquêtes qui ouvrent le numéro traitent de thèmes aussi disputés que l’évaluation des critères de scientificité des revues de sciences humaines et sociales, l’émergence de la biocriminologie, l’avènement multi-situé de la sociologie mondiale ou l’oblitération de la psychologie sociale du baron Gustavo Tosti, pensée au tournant de 1900, ou encore l’histoire sociale et intellectuelle de la revue Genèses.
Une longue conversation avec Liliane Hilaire-Pérez offre des aperçus précieux sur son oeuvre féconde et, au passage, sur les développements de l’histoire des techniques, à distance des STS.
Ce numéro comprend en outre la traduction d’un article classique de Dorothy Stimson, paru en 1935, portant sur les relations entre le puritanisme et l’essor de la science dans l’Angleterre du 17e siècle. Des essais critiques font le point sur des publications récentes et bouclent cette nouvelle boucle. À recevoir cinq sur cinq.
Avec les contributions de Jean-François Bert, Mathilde Bourrier, Guillaume Carnino, Francis Chateauraynaud, Harry Collins, Cynthia Colmellere, Stéphane Dufoix, Clémentine Gozlan, Vincent Heimendinger, Liliane Hilaire-Pérez, Florian Jaton, Marc Joly, Morgan Jouvenet, Olessia Kirtchik, Jérôme Lamy, Julien Larregue, Éric Macé, Jean-Christophe Marcel, Fabian Muniesa, Andrew Pickering, Arnaud Saint-Martin, Dorothy Stimson.
Réarmer la critique sociologique du journalisme. En offrant un aperçu d’enquêtes récentes qui permettent de faire le point sur les structures sociales du journalisme, ce numéro souhaite réarmer la critique sociologique de ce champ.
À rebours des poncifs semi-savants sur ses métamorphoses à l’ère numérique, tous les indicateurs empiriques convergent pour montrer que sa subordination aux pouvoirs économiques se poursuit et s’accélère. L’état général des rapports de force structurant le champ journalistique ne s’est donc pas transformé, mais l’hégémonie progressive du pôle commercial entraîne un double mouvement : une dépolarisation avec l’affaiblissement des pôles politiques et culturels qui pèsent moins fortement dans la distribution des positions ; une verticalisation de cette répartition des places avec une asymétrie plus forte dans les hiérarchies professionnelles, notamment dans les salaires et les positions de prestige, ainsi qu’entre le local et le national. Cette verticalisation s’opérant dans un contexte d’élévation du recrutement social de la profession, elle fournit un indice supplémentaire de la domination accrue du capital économique sur le capital culturel au sein des classes privilégiées.
Depuis ses origines, le syndicalisme hexagonal s’évertue à s’affranchir du politique. À la faveur de l’effondrement de l’URSS et plus largement du mouvement ouvrier, cette inclination n’a cessé à la fois de se renforcer et de se généraliser.
« Contestataires » ou « réformistes », toutes les confédérations, sans exception, affirment aujourd’hui une même distance au champ politique.
Cette unanimité, rare dans un paysage syndical français morcelé, interroge : l’univers politique – dans ses dimensions les plus militantes comme les plus institutionnelles – et le monde syndical sont-ils vraiment si cloisonnés ? Comment ces deux champs interagissent-ils, quelles relations entretiennent-ils ?
À partir d’un ensemble de contributions portant sur des scènes nationales variées – France, Argentine, Grande-Bretagne, États-Unis –, ce numéro vise à documenter les relations différenciées, dans le temps et dans l’espace, entre les champs syndical et politique. À l’heure où le monde du travail est confronté à des transformations sans précédent, les syndicalistes peuvent-ils indéfiniment se tenir à distance du politique ?
La rédaction de Zilsel s’est mise en quatre pour faire émerger cette nouvelle livraison. Qu’il s’agisse d’enquêtes, d’analyses à chaud, de mises en perspective critiques ou de restitutions d’expériences de lecture plus ou moins heureuses, la stratégie consiste à maintenir la cadence, à se laisser surprendre et à provoquer la surprise s’il le faut.
« Mise en finance » de l’assurance des catastrophes naturelles, relations compliquées entre les conceptions épistémologiques et la politique dans les sciences humaines et sociales, poids des images dans les Actes de la recherche en sciences sociales, épistémologie juridique : l’espace des études possibles s’étend à mesure que nous progressons. Y compris dans les marges réputées peu fréquentables de l’academia globalisée, où prolifèrent les « revues prédatrices » et les pirates de la junk science.
Un entretien avec l’historienne Marie-Noëlle Bourguet nous fait voyager ensuite aux quatre coins d’un monde de l’enseignement et de la recherche autrement plus désirable. S’y ajoutent deux textes inédits de Robert K. Merton et de Pierre Bourdieu, et, enfin, une série de notes et de prises de position critiques sur divers fronts de recherche.
Ce quatrième numéro entend donc ouvrir des perspectives et donner des idées pour les prospections à venir. Ce qu’aucune quatrième ne saurait couvrir...
Œuvre vs produit marketé, art vs commerce, profondeur vs superficialité, l’espace des productions culturelles est traversé par une série d’oppositions structurantes qui tendent à le scinder en deux.
Œuvre vs produit marketé, art vs commerce, profondeur vs superficialité, l’espace des productions culturelles est traversé par une série d’oppositions structurantes qui tendent à le scinder en deux : d’une part, les formes culturelles les plus légitimes, et, de l’autre, les produits en série des « marchands de culture ». Le présent dossier, en réunissant des contributions sur des univers aussi différents que la bande dessinée, le cinéma, la musique, la poésie, les séries télévisées et l’humour, entend revenir sur ce clivage. Il montre, ce faisant, que les entreprises culturelles, qu’elles soient individuelles ou collectives, s’inscrivent toujours, indépendamment du domaine considéré, au carrefour d’enjeux économiques et symboliques. Les différents articles qui composent le dossier peuvent donc être vus comme autant de descriptions des diverses façons dont ces registres se combinent, dans des configurations à chaque fois différentes et toujours susceptibles d’évoluer.
Le regard politique sur le travail social oscille entre, d’une part, la dénonciation des injonctions libérales à la responsabilisation et à l’individualisation et, d’autre part, la défense de la « main gauche de l’État ».
Cette tension condamne les professionnel.le.s à des positions intenables. Et la managérisation des politiques publiques conduit à une transformation des tâches, qu’il s’agisse de contrôler de façon plus ou moins voilée les “ayant droits”, de se faire l’évaluateur contraint de son propre travail, ou de voir la réorientation des missions et les stratégies de survie de l’institution employeuse délaisser les “missions de service public”. Comment le travail social résiste-t-il, comment les professionnel.le.s se ressaisissent-ils des questions politiques liées à leur travail ?
Les auteurs de ce dossier, coordonné par Jérôme Camus et Frédéric Chateigner, ont mis l’accent sur la diversité des métiers dans le travail social. Les formes de résistance, le caractère politique que l’on associe à son activité, varient en effet selon le degré d’autonomie de la profession. La plus ou moins grande proximité avec la commande politique ou les autorités administratives ou économiques peut également permettre de comprendre les positionnements parfois ambigus des institutions du travail social et de leurs agents. Et c’est peut-être en regardant dans les franges les plus dominées du travail social, dans ces lieux où il se mêle aux militantismes, que l’on peut le mieux apercevoir la réappropriation politique par les professionnel.le.s eux/elles-mêmes, de la question des effets de leurs propres actions.
Si l’on n’échappera donc pas à l’inévitable question du contrôle social dans le travail social, ce numéro de la revue le reprend comme à rebours, en interrogeant sinon les conditions de possibilité d’une action politique moyenne et cultivée sur les classes populaires, du moins celles d’une réappropriation, par le travail social, de dispositions émancipatrices.
Hors dossier, on retrouvera les rubriques habituelles de Savoir/Agir.
De la présidence Hollande au gouvernement Tsipras, la gauche de gouvernement paraît aujourd’hui incapable – et, sans doute, peu désireuse – d’affronter l’ordre économique établi pour inventer de nouveaux modèles.
En proposant une dizaine de contributions sur les discours et les pratiques économiques des partis de gauche – de l’ancienne LCR au PS, de la Libération à nos jours, de Paris à Athènes – ce dossier rappelle l’inventivité et l’audace économiques des années 1970, évoque les amendements, glissements et retournements de l’ère néolibérale, et s’attarde sur quelques-unes des questions économiques décisives qui, aujourd’hui, se posent à la gauche.
Plutôt que d’invoquer, pour expliquer les choix (et les non-choix) économiques de la gauche, les contraintes anonymes et implacables de l’Économie ou l’individualité faillible de tel ou tel dirigeant particulier, ce numéro s’efforce de relier ces choix à certaines conditions de possibilité proprement sociologiques : l’état de la concurrence politique ; la structure de l’expertise et les formes de l’autorité économique ; la nature des coalitions qui servent de base sociale aux politiques économiques.
En redonnant à ces variables sociales toute leur place, ce dossier espère favoriser une approche réaliste des politiques économiques et contribuer – pourquoi pas ? – à nourrir la réflexion stratégique et programmatique à gauche.
Explorer les fronts les plus « chauds » de la recherche sur les sciences et les techniques, confronter les analyses contradictoires, parfois à front renversé, revisiter des contributions importantes et volontiers frondeuses : ce nouveau numéro de la revue Zilsel ne manque pas de matière.
Qu’il s’agisse de l’ethnographie des datacenters ou de l’évaluation des prétentions mirobolantes du « neurodroit », la stratégie consiste à dégonfler les baudruches, d’aller y voir de plus près : d’enquêter. Un dossier entier est consacré au néolibéralisme, sur la base d’un long texte de l’historien des sciences économiques Philip Mirowski, qui a le chic pour prendre le contrepied d’à peu près toutes les opinions du moment.
Parmi les pièces à verser à l’histoire vive des sciences humaines et sociales, le sommaire comprend également une traduction d’un texte classique d’Edgar Zilsel, dans lequel l’auteur propose une approche neuve et documentée de l’essor de la science moderne. C’est à lire, en plus de relectures fouillées des œuvres de Pierre Bourdieu et de Michel Foucault. L’un comme l’autre – mais selon des modalités particulières – ont été marqués par le regard anthropologique. Une série de notes critiques, tour à tour favorables ou sceptiques, clôt l’ensemble. On l’aura compris, la revue est désormais lancée, elle navigue à plein régime. Et le voyage ne fait que commencer. Contre vents et marées.
Conflits d’intérêts : l’expression a fleuri et les situations, révélées par des scandales dans lesquelles des acteurs ayant une mission de service public (juger ou prendre une décision dans l’intérêt de tous) sont soupçonnés d’avoir été influencés par un intérêt second, se sont multipliées ces vingt dernières années.
Affaire du Mediator révélant les liens entre les professionnels de santé et les laboratoires pharmaceutiques, rôle des
puissants lobbies de la chimie ou de l’agroalimentaire dans les nondécisions au niveau européen concernant l’évaluation et la circulation
de leurs produits toxiques, cumul de positions faisant des experts ou des responsables politiques à la fois juges et parties dans l’élaboration
de politiques publiques, distribution de « faveurs trafiquées »… Sans compter les situations où des hauts fonctionnaires, des anciens
gouvernants ou élus vont « pantoufler » dans le secteur privé et tirent des bénéfices personnels substantiels de la mise au service d’entreprises
économiques de leur connaissance des procédures et de leur carnet d’adresses acquis précédemment. Cas particulièrement exemplaires :
Mario Monti, ancien commissaire européen chargé de la concurrence ou José Manuel Borroso, président de la Commission européenne, devenant
conseillers de la banque américaine Golden Sachs, Karel Van Miert, lui aussi commissaire européen à la concurrence, siégeant ensuite dans de
nombreux conseils d’administration de multinationales. Ou encore ces situations où élus locaux et nationaux, ministres, experts ne « voient »
pas le problème éthique ou juridique à user de leur position publique ou de leurs informations d’initiés à fins privatives. Le dossier de ce numéro
de Savoir/Agir analyse de nombreux exemples de telles situations. Ce numéro consacre aussi une partie substantielle aux publications
des éditions du Croquant dénonçant le danger que le Front national représente pour la démocratie
Selon la logique de l’économie libérale dominante, les entreprises sont confrontées à une exigence croissante de performance. Elles ont peu à peu converti leurs principaux acteurs à une culture managériale et à une logique d’efficacité économique. L’idée de performance fait partie de cet ensemble et suppose, d’une manière générale, compétition et concurrence.
Le management est présenté par ses promoteurs comme une activité rationnelle, professionnelle et scientifique, sans lien, apparent tout au moins, avec les questions de propriété de l’entreprise. Cette idée est relativement récente. Comme beaucoup d’autres dans le domaine de l’économie d’entreprise, elle vient des États-Unis, où elle a émergé comme un des aspects des transformations majeures qui ont redéfini l’économie américaine au tournant du 20ème siècle.
En Europe, et plus particulièrement en France, le processus a été plus tardif. Ce processus a son vocabulaire : identifier le problème, chercher les solutions, évaluer les solutions, choisir, communiquer le choix, mettre en œuvre, contrôler... Il a ses outils :
- La veille (informationnelle, technologique, concurrentielle, sociale), l’arbitrage en groupe, etc.
Comment cela se traduit-il concrètement dans les entreprises, au-delà de la neutralité des présentations sur les Powerpoint des écoles de management ?
Les auteurs qui ont contribué au dossier de ce numéro s’appuient sur des enquêtes et des recherches menées dans diverses entreprises et diverses situations professionnelles.
Table des matières
Éditorial
Le changement dans la continuité, par Frédéric Lebaron
Dossier
« Les cadres pris dans la gestion », coordonné par Hélène Stevens et Laurent Willemez
Management par les dispositifs et dispositions à manager. De la standardisation du travail d’encadrement au travail d’organisation des encadrants, par Lionel Jacquot
Mythes et réalités du travail par projet. Enquête auprès de salariés de l’ingénierie automobile, par Lucie Goussard
Les cadres et l’idéologie managériale : entre méconnaissance et mystification, par Gaëtan Flocco
Le travail et les carrières des cadres au prisme du coaching en entreprise. Vers une pacification des rapports sociaux de travail ?, par Scarlett Salman
« Vous prendrez en charge le côté humain du projet ». Paradoxes et malentendus de l’accompagnement des changements en entreprise, par Marie Benedetto-Meyer et Laurent Willemez
Grand entretien avec Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui. Habitus, cinéma et politique, par Line Wies et Vincent Burckel
Idées
Considérations actuelles : à propos de Nietzsche, par Louis Pinto
Paroles
Juge de proximité, au service des « honnêtes gens », par Claire Freile Tebar
La rhétorique réactionnaire.
Un champ politique illisible (2). Recompositions, par Gérard Mauger
Culture
Les coulisses d’un rite d’institution. Ce que montre le film Le Concours, par Hugues Draelants,
Chroniques du monde
Répression syndicale en Turquie sous le gouvernement AKP. Vers une perte d’autonomie des syndicats ?, par Isil Erdinç
La revue Zilsel poursuit ses incursions sur les territoires scientifiques et techniques dans cette nouvelle livraison.
Elle est composé d’articles de fond sur des sujets aussi variés que la contribution à l’histoire des sciences de Norbert Elias, l’ethnographie des data-centers, l’invention de l’« hypothèse Gaïa », la formation des ingénieurs ou les tourism studies. Un dossier est consacré à l’injonction méthodologique, fonda-trice des science studies, à étudier les sciences en train de se faire et de se défaire par le jeu des controverses. Après des décennies de tests et de tournants théoriques, il était temps de faire le point et de réfléchir collectivement sur les marges de progrès en la matière. Ce numéro de Zilsel comprend éga-lement un texte important et inédit de Pierre Bourdieu, consa-cré à la sociologie du champ scientifique, en plus d’un long entretien avec Diane Vaughan, sociologue étasunienne dont l’enquête sur le crash de la navette Challenger est désormais un classique de la sociologie des échecs organisationnels. Une série de notes critiques complète l’ensemble. Volontiers éclectique et résolument enthousiaste, ce numéro s’efforce donc de maintenir le cap.
Cette première livraison donne le ton. Elle est composée d’analyses originales basées sur des enquêtes et des réflexions amples, d’essais critiques sur la philosophie d’Alain Badiou, de rééditions de textes classiques, d’un entretien avec l’historien Roger Chartier sur les transformations contemporaines du livre et de l’écrit et, enfin, d’une série de notes critiques d’ouvrages récents. Ces contributions sont documentées, critiques, engageantes et, pour certaines, clivantes. Chacune à sa manière, elles partagent une même ambition, qui est de faire bouger les lignes et les fronts de recherche, d’instiller le doute contre toutes les formes de dogmatisme et d’ouvrir des brèches, pas seulement dans les limites aujourd’hui rognées des mondes universitaires et de la recherche.
Avec des contributions de Boris Attencourt, Anouk Barberousse, Vincent-Arnaud Chappe, Roger Chartier, Baptiste Coulmont, Renaud Debailly, Christopher Donohue, Pascal Engel, Jean Frances, Yann Giraud, Nathalie Heinich, Philippe Huneman, Marc Joly, Jérôme Lamy, Stéphane Le Lay, Mathieu Quet, Claude Rosental, Arnaud Saint-Martin, Pierre Schapira.
La question de la jeunesse rurale demeure un objet de recherche relativement sous-exploré par les sciences sociales. Son invisibilité tient pour beaucoup à ce qu’il s’agit d’une jeunesse « sans éclat » et « sans écart » qui ne se distingue ni par son excellence, ni par ses troubles. Ces jeunes ruraux ne font par ailleurs pas ou peu l’objet de politiques publiques spécifiques – du moins à l’échelle nationale – contrairement aux jeunes des quartiers.
La question de la jeunesse rurale demeure un objet de recherche relativement sous-exploré par les sciences sociales. Son invisibilité tient pour beaucoup à ce qu’il s’agit d’une jeunesse « sans éclat » et « sans écart » qui ne se distingue ni par son excellence, ni par ses troubles. Ces jeunes ruraux ne font par ailleurs pas ou peu l’objet de politiques publiques spécifiques – du moins à l’échelle nationale – contrairement aux jeunes des quartiers.
Ce numéro de Savoir/Agir est consacré à cette jeunesse ordinaire à travers son rapport à l’école. Le parti pris est celui d’une sociologie de l’éducation qui dépasse et déborde les murs de l’école et prête attention aux configurations locales (familiales, amicales, conjugales, etc.) dans lesquelles sont pris les élèves.
Les auteurs ont cherché à déconstruire un certain nombre de conceptions essentialisantes, en tout cas fortement culturalistes, portées notamment par les chefs d’établissement et les acteurs locaux de l’orientation scolaire, qui tendent à attribuer aux élèves des campagnes un « manque d’ambitions » à l’égard des études. Ils proposent une approche en différence, en mettant en évidence les logiques propres de leurs représentations et de leurs pratiques.
Ils considèrent l’école et la jeunesse rurale au pluriel, contre une approche homogénéisante des espaces ruraux et de leurs habitants, en montrant la diversité des groupes sociaux qui composent les campagnes et les rapports entre ces groupes. Ils donnent ainsi à voir des écoles (primaires, publiques, privées, lycées, collèges, agricoles, etc.) et des élèves ruraux (garçons, filles, enfants d’arti-sans, enfants de cadres, apprentis, etc.), mais aussi d’autres groupes sociaux investis autour de la cause scolaire (des parents d’élèves, des élus locaux, etc.).
Si la question scolaire constitue le point d’entrée des articles de ce dossier, ils pourront cependant sortir de ce cadre pour évoquer les loisirs, les engagements, les sociabilités ou encore les lieux privilégiés par les jeunes ruraux.
Le conflit syrien et les millions de réfugiés qui en sont une des résultats alimentent l'actualité. Le parcours sinueux des populations pour trouver un refuge, l'accueil différencié dans les pays, les tensions à ce sujet au sein de l'Union européenne, plus récemment la lutte contre le terrorisme après les attentats de Paris, interrogent, à travers la question des exilés, les pratiques à l'égard de la mobilité des personnes sur le continent.
Accueillir les migrants
Le conflit syrien et les millions de réfugiés qui en sont une des résultats alimentent l'actualité. Le parcours sinueux des populations pour trouver un refuge, l'accueil différencié dans les pays, les tensions à ce sujet au sein de l'Union européenne, plus récemment la lutte contre le terrorisme après les attentats de Paris, interrogent, à travers la question des exilés, les pratiques à l'égard de la mobilité des personnes sur le continent.
La question du territoire, de ses frontières, des modalités d’accueil de part et d’autres de ces espaces limites ont été un élément central de la réflexion sur l’accueil des migrants, sans que la diversité des conceptions de l’accueil se résume à leur confinement ou non dans les camps et les zones de transit.
Ce numéro de Savoir/Agir aborde ces questions à partir de divers travaux de recherche. Ce qui permet aussi d'éclairer l’expérience des migrants dans sa diversité, en fonction de leur origine, de leurs ressources sociales, culturelles et économiques. La figure du migrant ne se réduit pas en effet à celle des demandeurs d’asile ou de ceux – pourtant rarement les moins dotés au regard de leur société d’origine – venant s’intégrer dans un premier temps au bas de l’échelle sociale.
Dans les débats politiques, la dette publique apparaît comme passif du Trésor public, excès de dépense et charge pour les générations futures. Pourtant, pour certaines catégories économiques et sociales, elle est un actif, un titre de créance rémunérateur. Prétendues victimes du fardeau de la dette, les privilégiés héritent en réalité de l’épargne placée par leurs aïeux dans des emprunts d’États (les obligations du Trésor), dont les taux d’intérêt sont parfois protégés contre l’inflation.
Dans les débats politiques, la dette publique apparaît comme passif du Trésor public, excès de dépense et charge pour les générations futures. Pourtant, pour certaines catégories économiques et sociales, elle est un actif, un titre de créance rémunérateur. Prétendues victimes du fardeau de la dette, les privilégiés héritent en réalité de l’épargne placée par leurs aïeux dans des emprunts d’États (les obligations du Trésor), dont les taux d’intérêt sont parfois protégés contre l’inflation.
En analysant la structure des dettes publiques dans le monde, ainsi que les conflits qu'elles suscitent, ce numéro de la revue met en lumière les relations entre capital financier privé et gestion des finances publiques.
L’explosion des ratios de dette publique rapportés au PIB des États à la suite de la crise pose une question nouvelle : faut-il tout mettre en œuvre pour la rembourser quitte à renoncer aux politiques sociales ? Les dettes publiques sont donc affaire de lutte des classes. Elles mettent aux prises sous une forme inédite les détenteurs de capital financier et les bénéficiaires des dépenses publiques et des prestations sociales.
De la classe ouvrière aux classes populaires
Il fut un temps qui n’est pas si lointain où « la classe ouvrière » était créditée d’un rôle messianique par les uns, d’épouvantail par les autres. Son éclipse consécutive à celle, intellectuelle et politique, du marxisme, à l’effondrement du socialisme « réellement existant », à la désindustrialisation massive, etc., a pu sembler emporter avec elle les rapports de domination et les inégalités sous toutes leurs formes dans une société désormais « moyennisée » et/ou « individualisée ». La montée du chômage et de la précarité, le retour de « l’insécurité sociale », le creusement des inégalités, etc., ont fait que, depuis la fin des années 1990, on s’est avisé chez les sociologues, les journalistes et les politiques que « les classes populaires » n’ont pas pour autant disparu avec « la classe ouvrière ». Certes, les classes populaires ne sont pas ce que la classe ouvrière n’a jamais été ailleurs que dans l’imagination des intellectuels. En mobilisant les très nombreuses enquêtes désormais disponibles, il s’agira dans ce dossier de cerner « ce que populaire veut dire », de s’interroger sur le rassemblement des ouvriers et des employés sous le même label, d’étudier les multiples clivages qui traversent les classes populaires, de se demander comment elles se reproduisent et comment on s’en échappe, de reposer la question de « la culture populaire ».
Il y a quelques années, une grande entreprise de livraison faisait placarder sur nos murs une affiche publicitaire qui, malgré son apparente banalité, méritait le coup d’œil : au centre s’étalait la cliente, mine ravie ; autour d’elle, sortant du cadre, une myriade de bras tendus lui apportaient les objets les plus divers. Cette image de pub – une parmi tant d’autres – capturait l’esprit du temps : seul compte le consommateur, et la gigantesque accumulation de marchandises qui s’offrent à lui. Tout ce qui rend possible l’échange (matériaux, idées, labeur, logistique, rapports de pouvoir et d’argent…) est hors-champ, rejeté dans l’anonymat ou le néant.
Il y a quelques années, une grande entreprise de livraison faisait placarder sur nos murs une affiche publicitaire qui, malgré son apparente banalité, méritait le coup d’œil : au centre s’étalait la cliente, mine ravie ; autour d’elle, sortant du cadre, une myriade de bras tendus lui apportaient les objets les plus divers.
Cette image de pub – une parmi tant d’autres – capturait l’esprit du temps : seul compte le consommateur, et la gigantesque accumulation de marchandises qui s’offrent à lui. Tout ce qui rend possible l’échange (matériaux, idées, labeur, logistique, rapports de pouvoir et d’argent…) est hors-champ, rejeté dans l’anonymat ou le néant. Le moment magique de la consommation – moment éphémère, mais réitérable à l’infini, du désir et de la captation – prend toute la place ; ce qui vient avant (la production) est repoussé dans les limbes ; ce qui vient après (les conséquences durables, et parfois irréversibles, de la consommation de masse) n’a guère plus d’importance. En consacrant ce cinquième numéro de L’Intérêt général à la consommation, il ne s’agit pas de dresser un réquisitoire. Car c’est entendu : il n’y a pas de vie sans consommation. Mais il s’agit, en revanche, d’élargir le cadre, et d’interroger, en même temps que la consommation elle-même, ses conditions sociales, ses ressorts culturels, et ses coûts environnementaux.
La crise du coronavirus s’est déclenchée alors que nous travaillions à ce numéro. Dans ce moment où les repères manquaient, Jean-Luc Mélenchon nous a fait parvenir un texte d’analyse qui nous a paru éclairant. Nous avons choisi de le faire figurer, hors dossier, dans ce numéro. On verra que, si son objet est global, la question de la consommation n’en est pas absente – loin de là.
La psychiatrie publique occupe, depuis 2019, le haut des agendas politique et médiatique. Ce dossier croise les regards d’acteurs impliqués dans la critique publique de l’étranglement progressif de la psychiatrie publique (psychiatres et/ou psychanalystes, journalistes, écrivains, patients) et ceux de chercheurs en sciences sociales afin de dépasser la paresse intellectuelle de la « crisologie » qui n’envisage les phénomènes sociaux que dans le cadre temporel étroit de l’actualité. . Qu’est-ce qui est réellement inédit dans la situation actuelle et qu’est-ce qui relève de dynamiques de moyen terme ? Quel répertoire critique adopter pour s’opposer efficacement au réductionnisme de la biologie et des neurosciences ? C’est à ces questions que ce dossier se propose de répondre.
Politisation, dépolitisation et repolitisation de la crise sans fin de la psychiatrie publique La psychiatrie publique occupe, depuis 2019, le haut des agendas politique et médiatique. Les professionnels et des associations de patients dénoncent leur fatigue de la gestion quotidienne de la pénurie, le retour de pratiques – comme la contention – que l’on croyait remisées au musée des horreurs de la psychiatrie, le démantèlement de l’héritage progressiste de la politique de sectorisation des années 1960 - 1980, l’emprise croissante des neurosciences ou, très récemment, l’insuffisance de lits pour faire face aux conséquences psychiatriques du confinement lié à la pandémie de Covid-19. Ce dossier croise les regards d’acteurs impliqués dans la critique publique de l’étranglement progressif de la psychiatrie publique (psychiatres et/ou psychanalystes, journalistes, écrivains, patients) et ceux de chercheurs en sciences sociales afin de dépasser la paresse intellectuelle de la « crisologie » qui n’envisage les phénomènes sociaux que dans le cadre temporel étroit de l’actualité. Car si la crise est de plus en plus aiguë, elle n’en est pas moins structurelle, presque constitutive de la spécialité psychiatrique qui ne cesse d’interroger son identité depuis au moins les années 1950. Qu’est-ce qui est réellement inédit dans la situation actuelle et qu’est-ce qui relève de dynamiques de moyen terme ? Qu’est-ce qui ressortit aux transformations des rapports de force internes au champ médical des bouleversements plus larges des catégories dominantes de perception et d’action ? Quel répertoire critique adopter pour s’opposer efficacement au réductionnisme de la biologie et des neurosciences ? C’est à ces questions que ce dossier se propose de répondre.
La Grande-Bretagne s’impose comme l’un des modèles de la gouvernance pour l’enseignement supérieur français, autant du point de vue de la gestion des flux étudiants que des modes de production, de financement et de diffusion de la recherche.
Il s’agit dns ce numéro de la revue éclaircir les effets de la transformation des modes de gouvernance sur le fonctionnement des universités et de la recherche. Comment « fait-on de la science » dans les universités britanniques aujourd’hui, a fortiori dans un contexte néolibéral ? Que signifie « faire des sciences sociales » aujourd’hui en Grande-Bretagne ? Quelle est la place des universitaires qui portent la parole des sciences sociales dans l’espace public britannique ?
Ce numéro poursuit l’inventaire critique des transformations des sciences et techniques. L’objectif est de rendre raison de phénomènes émergents et instables. Le dossier « Frictions » traite du narcissisme. De nouvelles pièces sont ensuite versées au dossier des classiques à (re)lire, notamment un texte de Johan Galtung sur le « colonialisme scientifique », qu’il analyse à travers le projet Camelot (1964-1965), et un entretien avec l’historienne Antonella Romano. Des essais critiques complètent ce numéro.
Avec les contributions de
Myriam Ahnich, Bruno Canard, Pierre-Henri Castel, Cléo Chassonnery-Zaïgouche, Béatrice Cherrier, Pauline Delage, Stéphane Dufoix, Volny Fages, Johan Galtung, Yves Gingras, Céline Granjou, Paul Guille-Escuret, Marc Joly, Mahdi Khelfaoui, Richard Kilminster, Isabelle Laboulais, Jérôme Lamy, Julien Larregue, Sylvain Lavau, Ronan Le Roux, Camille Noûs, Corentin Roquebert, Margaret W. Rossiter, Arnaud Saint-Martin, Hugo Souza de Cursi, Sébastien Urbanski.
Éditorial
Le Coronavirus, la recherche, et le temps long
Bruno Canard
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Confrontations
Edward L. Bernays, la vérité et la démocratie : de la publicité aux relations publiques
Hugo Souza de Cursi
Monnet fait des histoires. Écrire pour agir sur le nouvel ordre des choses au tournant du 18e et du 19e siècle
Isabelle Laboulais
La sociobiologie est morte, vive la psychologie évolutionniste ! Le rôle de l’ambiguïté et du travail généalogique dans la transformation des spécialités scientifiques
Julien Larregue, Sylvain Lavau, Mahdi Khelfaoui
L’effet SIGAPS : la recherche médicale française sous l’emprise de l’évaluation comptable
Yves Gingras & Mahdi Khelfaoui
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Frictions
Le narcissisme sous le regard des sociologues.Introduction au dossier
Marc Joly & Corentin Roquebert
Narcissisme ou informalisation ?
Richard Kilminster
Narcissisme et processus de civilisation. Pour une lecture sociologique
Pierre-Henri Castel
Le narcissisme pathologique ou les frontières symboliques de la psychiatrie en question
Myriam Ahnich
Perversion narcissique, genre et conjugalité
Pauline Delage
De la « mère au narcissisme pervers » au « conjoint pervers narcissique ».Sur le destin social des catégories « psy »
Marc Joly & Corentin Roquebert
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Libres échanges
L’histoire des sciences et des savoirs : réflexions d’ici et d’ailleurs.
Entretien avec Antonella Romano
réalisé par Volny Fages & Jérôme Lamy
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Friches
« Everyone a changemaker! » Philanthropie, religion et spiritualité au secours de l’école publique
Sébastien Urbanski & Camille Noûs
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Classiques
Le savant hait le politique ? Johan Galtung et l’échec du Projet Camelot
Stéphane Dufoix
Le colonialisme scientifique
Johan Galtung
Margaret W. Rossiter et l’histoire des femmes scientifiques américaines
Béatrice Cherrier & Cléo Chassonnery-Zaïgouche
Les femmes scientifiques en Amérique
Margaret W. Rossiter
Plus vous regardez, plus vous trouvez : les archives des femmes scientifiques américaines contemporaines
Margaret W. Rossiter
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Critiques
Cybernétique introuvable ou cybernétique à satiété ?
Réponse à Mathieu Triclot
Ronan Le Roux
Tribulations d’un sociologue parti à la pêche aux lieux
Paul Guille-Escuret
D’un inhumain à l’autre
Céline Granjou
Contre l’innovation et sa doxa obsolescente, la maintenance
Arnaud Saint-Martin
Cette huitième livraison de Zilsel poursuit le travail d’inventaire critique des transformations contemporaines des sciences et techniques. Qu’il s’agisse de l’essor de la psychologie évolutionniste ou de l’emprise de l’évaluation comptable sur la recherche médicale en France, le propos des articles publiés est de rendre raison de phénomènes émergents et instables, qui suscitent le questionnement dans et à l’extérieur du champ scientifique. L’éditorial invité est signé par le virologue Bruno Canard. Spécialiste des coronavirus, il met en relief l’importance du temps long dans les processus de recherche. Un dossier « Frictions » est consacré au problème du « narcissisme ». Il met en perspective la construction du narcissisme via les catégories « psy », les « jugements de personnalité » et les rapports de genre. Un entretien avec l’historienne des sciences Antonella Romano permet de revenir sur des fronts de recherche de la discipline, et son histoire récente en France.
Avec la crise du Covid-19, une grande partie des travailleurs indépendants ou faussement indépendants se sont retrouvés sans ressources avec l’arrêt de leur activité. Les diverses mesures prises par le gouvernement ont été assez peu efficaces pour les salariés en emplois précaires. Les intérimaires, par exemple, du fait de la nature même de leur contrat de travail, n’ont pu bénéficier du chômage partiel et ont vu s’effondrer le nombre de leurs missions.
La gestion de la crise sanitaire rend ainsi davantage visibles les différents rapports conflictuels à l’employeur. Elle confirme que la protection des travailleurs est inégale selon les différentes formes d’institutions dans lequel le travail s’inscrit. Elle réactive, en interrogeant le caractère essentiel de certains métiers, les tensions sur la définition de ce qui est travail et donc de ce qui produit de la valeur économique et à quelle hauteur. Elle invite à réfléchir à une maîtrise collective des questions de travail.
Quel effacement de l’employeur ?, Jean-Luc Deshayes
L’institution de l’entreprise, Claude Didry
« Longwy vous accueille, JVC nous jette ». Employeur territorial et firmes multinationales dans le bassin de Longwy des années 1980-2000
Jean-Luc Deshayes
La contestation sociale face à l’employeur, invisible derrière l’App. Le cas des plateformes de coursier·es., Anne Dufresne
Qui est l’employeur dans le dispositif de Réussite éducative ? Olivier Leproux
Quelle place pour l’employeur dans le cadre d’un droit à l’emploi ? Réflexion sur l’effacement de l’employeur dans l’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée », Mathieu Béraud Jean-Pascal Higelé
Employer des intérimaires en CDI : entre nouvelles obligations et possibilités d’accroître la subordination, Claire Vivès
Les groupements d’employeurs d’insertion et de qualification. Une intermédiation entre jugement d’employabilité et reconnaissance de qualifications territorialement définies, Maël Dif-Pradalier
L’évolution de la loi et de la jurisprudence sur les licenciements pour cause économique. Vers une dilution de la responsabilité des groupes internationaux, Pascal Depoorter
Paroles
Itinéraire d’un trader « Il y a aussi l’adrénaline : ce côté-là est hyper plaisant parce qu’on n’a jamais de routine », Léa Sys
Grand entretien avec Bernard Cassen
« Un homme-orchestre engagé dans le débat d’idées », Antony Burlaud
Idées
Moralisation de la Science et autonomie de la recherche, Yves Gingras
Citations et références. Pour une sociologie des habitus académiques, Louis Pinto
Avec la crise du Covid-19, une grande partie des travailleurs indépendants ou faussement indépendants, mais dépendant du marché des biens et services pour valoriser leur travail, se sont retrouvés sans ressources avec l’arrêt de leur activité. Les droits salariaux assis sur le poste de travail ont pu, pour leur part, protéger les travailleurs. Mais ils ont aussi montré leurs limites. Durant le confinement, le maintien du lien à l’emploi grâce aux mesures de « chômage partiel » a permis de maintenir les salaires à hauteur de 84 % et les droits liés à l’emploi. Les chômeurs ayant acquis des droits ont vu ceux-ci prolongés, dans des conditions qui, du fait des réformes mises en œuvre depuis les années 1980, sont cependant de plus en plus excluantes. Les salariés à statut (dans la fonction publique et ce qui reste des anciennes entreprises publiques) ont bénéficié pour leur part du fait que leur qualification est liée à leur personne : leurs ressources ne dépendent pour l’essentiel ni de leur capacité à vendre le produit de leur travail, ni de la mesure de leur travail, ni encore de la tenue d’un poste.
En revanche, les diverses mesures prises par le gouvernement ont été assez peu efficaces pour les salariés en emplois précaires. Les intérimaires, par exemple, du fait de la nature même de leur contrat de travail, n’ont pu bénéficier du chômage partiel et ont vu s’effondrer le nombre de leurs missions.
La gestion de la crise sanitaire rend ainsi davantage visibles les différents rapports conflictuels à l’employeur. Elle confirme que la protection des travailleurs est inégale selon les différentes formes d’institutions dans lequel le travail s’inscrit. Elle réactive, en interrogeant le caractère essentiel de certains métiers, les tensions sur la définition de ce qui est travail et donc de ce qui produit de la valeur économique et à quelle hauteur. Elle invite à réfléchir à une maîtrise collective des questions de travail.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Aragon ne songeait pas à s’interroger sur la nature d’un monde ou d’un régime politique qui abime les espérances tout autant que les conditions concrètes de vie. Pourtant la question semble s’imposer aujourd’hui. La situation actuelle – faite de fortes tensions sociales, lois d’exception, usage d’une force démesurée contre des manifestants ou de simples citoyens, multiples atteintes aux libertés publiques, décisions sans délibération et négociation, maltraitance de migrants, réfugiés, exilés, adultes comme enfants – mobilise très largement avec des représentations contradictoires qui témoignent à la fois d’une incertitude généralisée sur ce qui est en train de se passer et d’une transformation en cours de la délimitation de ce qui est acceptable ou non en démocratie. Autoritarisme libéral, démocratie autoritaire ou démocratie illibérale ?
Ordre policier, ordre politique : quelle démocratie espérer ?
Annie Collovald
La loi ou l’ordre ? Considérations sur la question policière
Laurent Bonelli
Réflexions sur le problème raciste
Abdellali Hajjat
Violence policière, violence d’État
Catherine Colliot-Thélène
Répression administrative et répression pénale : l’émergence d’un continuum répressif
Julie Alix
Empêcher, dépolitiser, punir : le triptyque de la répression politique
Vanessa Codaccioni
L’art du désordre toléré. La police des manifestations en Allemagne fédérale
Fabien Jobard
Ordre institutionnel, désordres des trajectoires
Laurence Proteau
Des jeunes qui « ont la vocation »
Propriétés sociales, dispositions et recrutement des candidats au concours de gardien de la paix de la Police nationale.
Frédéric Gautier
Réformes de la police et décroissance policière : promesses et limites de l’expérience espagnole
Sergio Garcia García
Débora Ávila Cantos
Paroles
« Bah, c’est normal, je vais devenir maman, donc il faut que je change quoi »
Clémentine Petitjean
Idées
Domination et résistance. À propos de James C. Scott, La Domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne,
Gérard Mauger
Varia
Perversion narcissique et violence morale en temps de confinement. Note de recherche.
Marc Joly
Chroniques du monde
Racisme et antisémitisme en Allemagne. La RDA au banc des accusés
Sonia Combe
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Aragon ne songeait pas à s’interroger sur la nature d’un monde ou d’un régime politique qui abime les espérances tout autant que les conditions concrètes de vie. Pourtant la question semble s’imposer aujourd’hui. La définition de la situation actuelle – faite de fortes tensions sociales, lois d’exception dans un contexte de danger terroriste et sanitaire, usage d’une force démesurée contre des manifestants ou de simples citoyens avec pour bilan un nombre effroyable de blessés, mutilés et de décès, multiples atteintes aux libertés publiques, décisions sans délibération et négociation, maltraitance de migrants, réfugiés, exilés, adultes comme enfants – mobilise très largement avec des représentations contradictoires qui témoignent à la fois d’une incertitude généralisée sur ce qui est en train de se passer et d’une transformation en cours de la délimitation de ce qui est acceptable ou non en démocratie. Autoritarisme libéral, démocratie autoritaire ou démocratie illibérale ? Les labels se multiplient pour qualifier des régimes hier rangés sans hésitation dans la rubrique « dictature » ou « autoritarisme » et pour brouiller des frontières auparavant évidentes : qu’est-ce qu’une démocratie sans libertés publiques ou sans un espace public où sont débattues les questions du « bien vivre ensemble » ? Sous des apparences de continuité (des institutions, des procédures de désignation des dirigeants…) et des invocations incessantes à la République, la démocratie ou « la Patrie des droits de l’homme », n’assiste-t-on pas à des formes de dénaturation des valeurs qui les fondent (humanisme, ouverture aux autres, tolérance, égalité…) et une corruption des idéaux qu’elles véhiculent ? L’observation de la manière dont les gouvernants politiques gèrent l’ordre public, des pratiques politiques et policières qui sont adoptées pour régler les désaccords ou les conflictualités et assurer la sécurité de tous est une entrée éclairante dans le mode de fonctionnement concret du système politique actuel.
Conflits d’intérêts
Conflits d’intérêts : l’expression a fleuri et les situations, révélées par des scandales dans lesquelles des acteurs ayant une mission de service public sont soupçonnés d’avoir été influencés par un intérêt second, se sont multipliées. Affaire du Mediator révélant les liens entre les professionnels de santé et les laboratoires pharmaceutiques, rôle des puissants lobbies de la chimie ou de l’agroalimentaire dans les non-décisions au niveau européen concernant l’évaluation et la circulation de leurs produits toxiques, cumul de positions faisant des experts ou des responsables politiques à la fois juges et parties dans l’élaboration de politiques publiques, distribution de « faveurs trafiquées »… Ou encore ces situations où élus locaux et nationaux, ministres, experts ne « voient » pas le problème éthique ou juridique à user de leur position publique ou de leurs informations d’initiés à fins privatives. Le dossier de ce numéro de Savoir/Agir analyse de nombreux exemples de telles situations.
Ce numéro consacre aussi une partie substantielle aux publications des éditions du Croquant dénonçant le danger que le Front national représente pour la démocratie.